Le XVIe siècle : un siècle de paix

Le Comté de Bourgogne ou Franche-Comté, uni administrativement aux Pays-Bas sous la domination des Habsourg, va connaître un siècle de paix. Il le doit à des princesses comme Marguerite d'Autriche, petite fille du Téméraire dont le Mausolée se trouve à Bourg (Brou), à Marie de Hongrie, sœur de Charles Quint, à Marguerite de Parme, demi sœur de Philippe II, à Isabelle Claire Eugénie fille de Philippe II.

Marguerite d'Autriche

Ces "gouvernantes" négocient avec les Suisses et les Français pour obtenir une neutralité plusieurs fois renouvelée. Les Comtois pourront ainsi vivre sans trop d'appréhensions, à l'écart des luttes qui vont opposer François Ier et Charles Quint. La paix va permettre l'essor de la population, le développement de l'agriculture, de l'artisanat et du commerce.

Orgelet, petite ville entourée de nombreuses communautés villageoises, est un centre actif et attractif. Les petits ateliers où l'on fabrique des étoffes de laine sont toujours en activité. Apparaît alors la tannerie localisée autour du ruisseau du Gevin, à l'écart comme il se doit.

Foires et marchés attirent toujours vendeurs et acheteurs ; les habitants de la montagne viennent s'y approvisionner en grains. Un faubourg qui s'est développé à l'ouest reçoit son mur de protection. La population croît régulièrement, en 1614 on recense à Orgelet 287 feux soit plus d'un millier d'habitants.

La baronnie d'Orgelet qui comprend les trois seigneuries d'Orgelet, Saint Laurent la Roche et Montfleur, ayant chacune leur forteresse et de nombreuses seigneuries vassales, appartient aux Chalon-Arlay devenus princes d'Orange qui résident ordinairement à Nozeroy. Le dernier rejeton mâle est Philibert de Chalon.

Philibert de Chalon

Il est élevé au château de Nozeroy où il s'initie aux prouesses chevaleresques : le tournoi de 1518 est resté célèbre. Le Roi François 1er ayant confisqué la principauté d'Orange, Philibert de Chalon se tourne vers l'empereur Charles Quint qui lui confie d'importants commandements. En 1527 il est à l'attaque de Rome et après la mort du connétable de Bourbon lui succède à la tête de l'armée. Il devient ensuite vice-roi de Naples. En 1530 alors qu'il guerroie devant Florence, il est frappé à mort. A petites étapes, sa dépouille est ramenée en Comté par le val d'Aoste et le Grand Saint Bernard. Des gentilshommes accompagnent la litière qui porte le cercueil. Ce cercueil est exposé dans l'église paroissiale d'Orgelet. Pendant trois jours se succèdent des cérémonies religieuses : messes solennelles et processions suivies par le peuple. Ensuite le cortège reformé prend la route de Lons le Saunier pour l'inhumation dans l'église des cordeliers, au milieu d'un grand rassemblement de nobles personnages le 25 octobre 1530.

Le prince étant célibataire ses biens reviennent à son neveu, fils de sa sœur Claude, René de Chalon, Comte de Nassau, prince d'Orange. René est tué au siège de Saint Dizier et son héritage passe à des cousins Nassau qui gardent le titre de princes d'Orange. Les nouveaux seigneurs d'Orgelet, Nassau puis Isenghien ne reviendront qu'épisodiquement en Comté, n'y auront guère d'influence. Ils se contenteront de gérer leurs domaines grâce à leurs intendants et à leur trésorier.

La Réforme partie d'Allemagne avec Martin Luther s'impose dans les villes suisses avec Jean Calvin. Montbéliard, Neuchatel, Genève sont aux portes de la Franche-Comté, le protestantisme s'étend en France. La province voit passer les protestants français qui gagnent Genève, les propagandistes qui de Suisse passent en France, les colporteurs qui distribuent clandestinement les psaumes et le Nouveau testament en français, le catéchisme de Genève, des images ridiculisant le Pape.
Un moine défroqué venant d'Avignon, François Lambert, se disant originaire d'Orgelet, en Comté, mais plus probablement d'un village voisin, parcourt la Suisse, rencontre Luther à Wittenberg en 1523. Ce dernier l'envoie à Metz, ville de langue française, pour y prêcher sa doctrine. Il y est mal reçu et doit se replier sur Strasbourg, asile de réformés. On le retrouve en 1525, prêchant sans succès à Besançon où veillent les autorités.

Orgelet compte de nombreux marchands qui, pour leur négoce, se déplacent jusqu'en France ou en Suisse. Ils sont ainsi au courant des nouveautés religieuses et sont tentés d'en parler à leur retour. Le Parlement de Dôle veille jalousement au respect de l'orthodoxie et sévit s'il y a lieu. En 1561 des poursuites sont encore ordonnées contre le marchand Jean Humbert et l'apothicaire Pierre Gilloz. Mais ils sont bien seuls. Ils n'ont pas faits d'émules. Les Orgelétains restent fidèles à leurs croyances ancestrales.

Ils sont d'ailleurs bien encadrés par un nombreux clergé. Les anciens chapelains devenus prêtres familiers, voues au service des fondations, sont quelquefois une vingtaine, tous nés dans la ville. Ils désignent parmi eux un vicaire perpétuel qui devient curé de la ville après avoir obtenu l'investiture de l'archevêque de Besançon, diocésain. Ils disposent de rentes, de maisons, terres, prés, vignes et partagent leurs revenus.

L'Empereur Charles Quint, descendant du Téméraire et par là Comte de Bourgogne, est bien disposé vis à vis des comtois.

Charles Quint

C'est à lui que la famille Perrenot et d'autres doivent leur élévation. Les Orgelétains souhaitent bénéficier de sa faveur et y réussissent.

Le 22 mai 1546, par lettres patentes données à Ratisbonne, l'Empereur établit à Orgelet un bailliage secondaire dépendant du grand bailliage d'Aval. Ce tribunal, jugeant au civil et au criminel, comprend un lieutenant général, des juges, des huissiers, des greffiers. Il va occuper l'ancienne maison Dagay au pied de la rue du château. Sa compétence s'étend sur près de 200 communautés du sud de la province. Autour de lui gravitent avocats et procureurs. Les Orgelétains y trouvent leur compte : ce personnel judiciaire fait une bourgeoisie aisée, les justiciables vont et viennent. L'artisanat et le commerce en bénéficient. Ils sont fiers de leur bailliage et la municipalité ne manque pas d'en demander confirmation écrite aux nouveaux souverains, à Philippe II et à ses successeurs dont elle garde jalousement les lettres.

Armoiries d'Orgelet accordées par Charles Quint

Le même 22 mai 1546 l'Empereur concède à Orgelet une mairie. Le titulaire, mayeur ou maire, sera élu chaque année par les échevins, conseillers et notables bourgeois. Il sera responsable de l'administration et lieutenant général de police. On l'appellera vicomte mayeur et les échevins auront droit à la qualification de nobles consuls. La province n'aura que quatorze villes à la mairie. Orgelet pourra déléguer aux Etats de la province le maire et un assesseur qui dans la chambre du tiers état interviendront à leur rang, avant même plusieurs autres villes ce qui flattera leur amour propre.

C'est aussi au XVIe siècle qu'est créé un collège qui, aux jeunes garçons, apprendra au moins la lecture, l'écriture, les règles du calcul et quelques éléments de la langue latine. N'ayant pas de local attitré il occupera des locaux loués selon les occasions.

En 1556, Charles Quint abdique, la Franche-Comté passe à son fils Philippe II et se trouve rattaché à l'Espagne.

Blason du roi d'Espagne qui se trouvait sur la maison du roi à Orgelet

L'heureux XVIe siècle finit mal. En 1595 le nouveau roi de France Henri IV est en guerre avec l'Espagne. Il décide de frapper la Franche-Comté qu'il considère comme une base ennemie. C'est une rapide et violente chevauchée à laquelle le Roi participe personnellement.
Au mois d'août un de ses lieutenants, le maréchal de Biron, s'empare d'Orgelet, laisse au château une garnison qui exploite et terrifie les habitants et avant de se retirer achève de démanteler la forteresse.

Texte de Louis Laurent