Aux temps des inventeurs

Orgelet a vu naître au cours des siècles quelques personnages célèbres, dont le plus connu est Cadet Roussel, mais peu ont été des inventeurs. Il existe cependant une rue Marie-Candide Buffet... Né au chef-lieu de canton le 3 floréal An V, décédé à Paris le 20 juillet 1859, Marie-Candide Buffet exerça la profession de facteur d'orgue et on dit qu'il aurait inventé l'accordéon. Il serait plus vraisemblable de penser qu'il n'a réalisé que quelques transformations sur l'instrument.André Regard

A peu près à la même époque où s'éteignait Buffet, Moret-Bailly de La Tour-du-Meix se voyait octroyer un brevet d'invention pour une chaussure en métal, fer, cuivre, laiton.. On ne sait pas si l'inventeur a vendu de nombreux souliers et si son commerce l'a enrichi !

Peu d'Orgeletains savent que vit encore rue de la Tisserie André Regard qui en 1956, obtenait un brevet d'invention pour son « automate AR1 ». En voici le texte : « Au nom de la République française, le Ministère de l'Industrie et du Commerce délivre le brevet d'invention sans garantie du gouvernement n° 1127822 pour l'objet désigné sur les pièces descriptives ci-annexées ».
Plan de l'automate AR1Il s'agit d'un objet de quelque 16 cm de hauteur en plastique, constitué de deux espèces d'entonnoirs reliés entre eux par un corps cylindrique creux ; la chute de grenaille de plomb à l'intérieur permet le mouvement des ailes de moulin placées de chaque côté, qui s'arrêtent à la fin de la coulée de la grenaille sur un cadran gradué de chiffres, ce qui explique que l'automate soit considéré comme un jouet. Il suffira de le retourner pour que de nouveau tournent les ailes.

Ce jouet connut un grand succès en France, puis par le monde car le 13 août 1956, l'automate AR, recevait son label international « en vertu de l'arrangement de Madrid du 14 avril 1891 vous avez un délai de priorité de 6 mois pour procéder à l'enregistrement international pour les pays suivants (suivaient 15 nations européennes plus l'Égypte, le Maroc, la Tunisie et le Vietnam). »
L'automate AR1Evidemment, l'inventeur ne laissa pas passer le délai et quatre représentants furent chargés de la faire connaître et d'enregistrer des commandes. Actuellement, avec l'évolution de l'industrie du jouet, l'automate Afil n'est plus qu'une précieuse relique que l'inventeur se plait à présenter à ses visiteurs qui apprennent d'ailleurs, démonstration à la clé, qu'il a aussi fabriqué une toupie (un moine comme on disait) qui tourne pendant quatre minutes.

Plus lucrative, aux fameuses années du yoyo en bois, l'invention de sa machine qui fabriquait 5000 yoyos à la journée au lieu de 1000 chez ses concurrents. C'est, dit-il, ce qui lui a permis de construire sa tournerie et d'employer plus de 20 ouvriers.

André Regard est le dernier en date des Orgeletains titulaires d'un brevet d'inventeur, mais d'autres ont fait preuve d'imagination. Après guerre les porte-cigarettes étaient à la mode, alors deux tourneurs locaux en fabriquaient en buis et les gravaient. Et puis qui n'a pas vu tourner dans les jardins ces espèces de fleurs aux pétales de celluloïd.
Cet anémomètre original avait été créé par un Orgeletain à qui le goût de l'invention a joué une mauvaise farce quand il voulut fabriquer une lampe à acétylène pour aller à la pêche aux grenouilles la nuit... Un débit trop fourni d'eau sur le carbure de calcium a produit tant d'acétylène que l'approche de la flamme a transformé la lampe en bombe. Et l'inventeur indemne n'a retrouvé que son briquet.
C'est dangereux parfois de vouloir créer !

André JEANNIN
Article paru dans Le Progrès le 21 mars 1994