Joseph Louis CAPITAN
1854/1929
Médecin, anthropologue, archéologue et enseignant
L'ouverture d'une voie aux grands préhistoriens contemporains

L'hommage rendu à Michel BREZILLON en 2005 a été un grand moment d'archéologie pour l'ASPHOR et pour Orgelet.

J'avais mentionné dans mes propos, à l'ouverture des rencontres des 11 et 12 Novembre qu'un autre archéologue "de site" très connu au début du 20ème siècle, le Docteur CAPITAN avait lui aussi de fortes attaches jurassiennes et orgelètaines. Les recherches généalogiques effectuées par Annie BIDARD ont été l'occasion de situer ce personnage éminent au travers de ses ascendances et de donner un bref aperçu de son parcours de savant. Pour cela il nous faut faire un retour en arrière, quelque temps avant la Révolution.

Le 10 Février 1779 naquit à Orgelet un certain André Joseph Balthazar CAPITAN qui décédera à Meaux en 1825. Il était le fils d'un avocat, Procureur au Parlement, bourgeois d'Orgelet, décédé et enterré en ce lieu le 17 Avril 1791. L'épouse de ce dernier, Anne Marie CHRISTIN était la sueur d'Étienne CHRISTIN notaire à Orgelet, lui-même allié à la famille du général d'Empire Urbain DEVAUX.

André Joseph Balthazar CAPITAN, quant à lui, est identifié comme ayant été Brigadier des Cuirassiers de la Garde Royale. Il épouse à Lons-le-Saunier Anne Antoinette SAILLARD qui lui donnera un fils, Théodore, né en cette ville le 26 Août 1802. Percepteur à Orgelet, ce dernier y avait épousé le 19 Mars 1828 Marie Etiennette Sophie RICHAUD qui y naquit également le 21 Juin 1806. L'ascendance orgelètaine maternelle de Sophie RICHAUD remonte très loin au travers des lignées AMYE/PERRIN/LACROIX familles bien connues de notre cité, la famille RICHAUD quant à elle était originaire de Barcelonnette.Propser Aimé Capitan (1829-1863)

Les descendants de Théodore CAPITAN bénéficient donc de solides attaches orgelètaines.
Il en sera ainsi de leur fils Prosper Aimé né à Orgelet le 20 Janvier 1829. Médecin, officier d'état major, il existe de lui un beau portrait au pastel réalisé quelques années avant sa mort intervenue au Mexique, à Pueblo le 12 Mai 1863 des suites d'une blessure au bras.
Il avait épousé le 28 Janvier 1853 à Paris, Antoinette Delphine BARBET descendante d'une famille jurassienne de Pagnoz.

Et nous en arrivons ainsi à Joseph Louis CAPITAN leur fils né à Paris le 18 Avril 1854. Peut-être en souvenir de son père qu'il n'aura donc guère connu, il fera des études de médecine. En 1878 il devient interne des Hôpitaux de Paris après avoir fait ses débuts dans le laboratoire du célèbre physiologiste Claude BERNARD. Mais dans son adolescence il avait été attiré par la préhistoire et dès 1869 il fréquentait les réunions des préhistoriens et américanistes de l'époque. A 18 ans il devint dans ce domaine l'élève de celui qui sera son maître et dont il continuera l'oeuvre à savoir Gabriel de MORTILLET

Il y a donc lieu pour bien cerner sa personnalité d'évoquer les deux brillantes carrières qu'il accomplira parallèlement et qu'il réussira à concilier, celle d'un remarquable médecin et chercheur d'une part, qui ne cédera en rien à celle d'un préhistorien illustre d'autre part.

Dans le domaine de la médecine, il fonda à 36 ans, avec le professeur BOUCHARD le premier laboratoire de pathologie et thérapeutique de la faculté de Médecine de Paris. On lui doit des découvertes importantes en bactériologie et pathologie expérimentale, entre autres celle des oreillons. Il sera l'auteur de plus de 250 publications, et sera élu par ses pairs membre de l'Académie de Médecine en 1909. Ses nombreuses années consacrées aux hôpitaux parisiens feront qu'il sera promu Directeur du service des contagieux de l'hôpital militaire de Vincennes pendant la Grande Guerre.
Et là, sa probité professionnelle, son intelligence médicale, la sûreté de son diagnostic et son dévouement lui vaudront une reconnaissance chargée d'émotion de la part de tous les anciens combattants qu'il y avait soignés et sauvés. Il sera à ce titre fait Chevalier de la Légion d'Honneur en Décembre 1918.

Cependant, c'est à coup sûr son apport à l'anthropologie qui le propulsa au tout premier plan du monde scientifique et plus précisément de la préhistoire. Mais son oeuvre y fut d'une telle densité qu'il ne peut être question que d'en souligner quelques aspects.

Sa forte personnalité marqua son professorat à l'école d'Anthropologie où il prit la succession de Gabriel de MORTILLET dans la chaire d'Anthropologie préhistorique en 1898. Il y forma des disciples tel l'abbé Henri BREUIL qui fut à l'origine des Missions LHOTE au Tassili.

Il y fut un précurseur de l'archéologie «sur le vif» dans les fouilles où il fit adopter la méthode dite stratigraphique, qu'il utilisa dans la supervision des travaux de construction du Métro de Paris, notamment à l'occasion de la restauration et de la mise en valeur des Arènes de Lutèce.

Il imposa la technique des observations immédiates qu'il appliqua dans les études qu'il mena à bien tant en France qu'en Tunisie, en Algérie, au Soudan, au Sénégal, au Mexique ou aux Etats-Unis.
Ses amis et admirateurs disaient qu'il « vivait la préhistoire » et c'est sans doute à ce titre qu'il jeta les bases et fut l'un des premiers animateurs de l'Institut International d'Anthropologie dont il fut le secrétaire général.

Il joua des rôles éminents dans la commission des Monuments Historiques et dans celle du Vieux Paris. Vice Président de la Société de Biologie en 1887, il fut en 1899 porté à la présidence de la Société d'Anthropologie puis de la Société des Américanistes.

Et en 1907 il fut chargé au Collège de France du cours des antiquités américaines où il dispensa un enseignement magistral sur l'origine de l'homme en Amérique. Ses élèves lui donnaient le qualificatif «d'idéal du Maître, c'est-à-dire l'homme de coeur qui aime à la fois ses élèves et les matières de son enseignement»

Ses publications ne présentèrent pas moins d'intérêt. Ainsi, son manuel de préhistoire et de paléontologie humaine et ses communications sur le débitage des outils, sur les pierres funéraires et sur les débuts de l'art et de l'écriture à l'époque du quaternaire.Au moment de pénétrer dans le grand amphithéâtre des Arènes de Lutèce à Paris (5ième), la mémoire de Joseph Louis CAPITAN est rappelée au visiteur. Et au pied de celles-ci, rue des Arènes, un square porte son nom en souvenir de son action pour la restauration de ce haut lieu d'histoire.

Mais ce survol rapide d'un double parcours scientifique ne doit pas omettre de rappeler que Joseph Louis CAPITAN vécut à Paris, 5 Rue des Ursulines avec son épouse Hélène VERDIN dont il eut une fille Jeanne.

Il devait y décéder le 27 Août 1929. Les marques d'admiration, d'estime et d'amitié qui accompagnèrent sa disparition. Dans tous les témoignages reviennent les mêmes mots : Homme, Ami, Savant, Maître, Travail, Rigueur, Coeur 

C'est un grand honneur pour Orgelet de pouvoir compter de tels personnages dans les lignées de ses anciennes familles, et pour l'ASPHOR d'en marquer le souvenir auprès de ses adhérents.

G. BIDARD

PS - L'abbé CLEMENT dans ses cahiers, reprend les termes d'une « Notice sur un tumulus ouvert près de la Ville d'Orgelet, au lieu dit "A l'ETANG d'ÉCOLE" par M. CAPITAN d'Orgelet», qui avait fait l'objet d'une communication en 1834 à la Société d'Émulation du Jura. Cette notice fait mention entre autres des découvertes d'objets effectuées à cette occasion et est assortie de commentaires sur les analyses des prélèvements recueillis alors. L'auteur de cette notice n'est autre que Fidèle, Joseph, Pierre, César, Louis, Henri, Étienne, Basile, Théodore CAPITAN, grand père de notre médecin/archéologue comme mentionné dans les pages précédentes. Ainsi, comment ne pas imaginer que cet érudit orgelètain ait pu inculquer à son petit fils la soif d'en connaître plus sur le passé des hommes puisque, dès l'âge de neuf ans, Joseph Louis CAPITAN avait perdu son père, alors que le grand père devait survivre à ce dernier. Oui, Orgelet a bien mérité de l'archéologie moderne.

Bibliographie :

 

  • Revue Anthropologique - Tome XXXIX - Octobre/Décembre 1929
  • Archéologia n°198 E & J GRAN-AYMERICH
  • Recherches généalogiques: William FOUCAULT - Annie BIDARD
  • Société d'Emulation du Jura