L'HOTEL DE VILLE D'ORGELET
UNE AFFAIRE A REBONDISSEMENTS
Au Moyen âge, Orgelet était un bourg entouré de hautes murailles. Il allait devenir, avec ses deux mille habitants, le siège d'une importante baronnie possédée par les CHALON et qui couvrait une grande partie du sud de l'actuel département du Jura. Cela n'en faisait pas pour autant une ville.
En 1266 une charte de franchises lui sera accordée mais il faudra attendre 1542 pour que Charles Quint lui octroie le statut d'une ville à mairie du Comté de Bourgogne et en fasse le siège d'un bailliage.
Dès lors qu'Orgelet eut obtenu ses franchises quatre échevins et douze conseillers furent en charge de son administration. A partir de 1542, sous l'autorité d'un « mayeur » ce sont trois échevins, huit conseillers, un procureur syndic, un secrétaire et deux fabriciens, tous bourgeois de la Ville, qui eurent la responsabilité des affaires de la Ville. Il fallait donc mettre des locaux à disposition de ceux-ci pour exercer leurs activités, mais aussi pour permettre aux magistrats du bailliage d'exercer les leurs. Ces derniers s'installèrent dans la maison DAGAY ou Maison du Roi située au bas de la rue de l'Asie, aujourd'hui rue du Château. Le Conseil de Ville, quant à lui, tenait ses assemblées et ses réunions dans une chambre haute de la «Tour du Conseil» place au Vin et dans la maison attenante. Les prisons étaient en bas de la tour.
La place au Vin au temps du «tacot» avec la «Tour du Conseil » avant et après sa restauration |
Il en sera ainsi jusqu'au début du 18ème siècle, mais cette situation n'était satisfaisante ni pour les uns, ni pour les autres. Les officiers du bailliage ayant fait des remontrances à l'intendant sur les conditions de leur logement, « ordre fut donné de construire ». Il se trouva que la Ville avait acheté en 1699 un chasal appartenant à l'avocat GODARD et qui jouxtait la Maison du Roi. Elle accepta de céder ce terrain au bailliage pour autant que la construction envisagée abrite des halles pour y tenir le marché aux grains. L'architecte du Roi chargé de la construction précisa qu'un cabinet pour le maire et une chambre pour le conseil pourraient y être intégrés, sous la condition que la Ville participe aux dépenses. Ce n'était pas acceptable pour cette dernière qui avait donné le terrain. Malgré tout, les travaux furent entrepris et en 1715 ils étaient terminés. La municipalité se jugeant non concernée refusa de prendre les clés de ce qui lui était proposé, estimant qu'elle devait avoir l'usage de tout ce qui ne servait pas à la justice : pièces, greniers, caves, chapelle... Un accord sera trouvé en janvier 1716.
Mais à l'usage, des malfaçons nécessitèrent de mettre en demeure l'entrepreneur d'avoir à y remédier et occasionnèrent des ennuis de fonctionnement durant des années. Lors du grand feu de 1752 les flammes n'épargnèrent pas la toiture et il sera envisagé, lors des réparations, de bâtir des locaux supplémentaires sur le chasal situé de l'autre côté de la rue, avec des voûtes semblables à celles abritant le marché aux grains, afin d'embellir la place. Le projet sera refusé. Mais le problème de l'adéquation des locaux aux besoins resta posé.
En 1780 l'intendant autorisa que soient entrepris les travaux nécessaires mais de concert, municipalité et bailliage estimèrent « que l'on devait construire à neuf le dit Hôtel de Ville dans un lieu plus vaste et mieux aéré». La place au Vin, la place du Bourg de Merlia, le lieu dit «les prés Cathelin» furent envisagés comme emplacements possibles, encore que certains penchaient plutôt pour une réhabilitation sur le site même. Le 24 Février 1788 les notables se prononcèrent en faveur d'un projet à édifier aux « prés Cathelin». Les plans dressés par l'architecte DEVERNOIS prévoyaient : «un bâtiment vaste, régulier, bien aéré, des prisons et des cachots sains, des halles suffisantes pour le marché aux blés, des magasins pour entreposer ceux qui ne seraient pas vendus, une place considérable pour contenir les voitures, outre que ce bâtiment serait un ornement et une décoration dans cette ville et déciderait beaucoup de particuliers à bâtir aux alentours, d'autant mieux que c'est le seul endroit où l'on puisse le faire convenablement et agrandir la ville.»
La Révolution va retarder toute décision à ce sujet et le projet ne sera jamais réalisé. L'Hôtel de Ville va donc rester dans la configuration qu'il avait il y a encore quelques années. Les salles d'audience du bailliage et de réunion de la municipalité seront bien l'objet de loin en loin de réparations, les voûtes quant à elles deviendront un lieu d'entrepôt. Sous l'Empire il fut bien envisagé de réaliser un escalier extérieur à deux rampes mais aucune suite n'y sera donnée. Quasiment rien ne changera jusqu'à la fin du XXème siècle.
Et ce n'est qu'en 1996 qu'ORGELET pourra s'enorgueillir d'avoir enfin un Hôtel de ville modernisé et fonctionnel au terme d'une restructuration intérieure complète mais respectueuse des dispositions architecturales adoptées au 18ème siècle. Au rez-de-chaussée les voûtes ont été vitrées permettant ainsi de créer à ce niveau les salles destinées à l'accueil du public et au traitement des questions courantes aussi bien administratives que techniques.
Le hall d'entrée et l'espace d'accueil du public après la réhabilitaion des voutes |
A l'étage, desservi par un ascenseur , ont été aménagées une vaste salle du conseil, la salle des mariages, les bureaux du premier magistrat, de ses adjoints et des fonctionnaires municipaux. Les combles également desservis par l'ascenseur présentent des surfaces de plancher aménageables dans le futur en fonction d'éventuels besoins. Toutes ces dispositions ont été complétées en 2000 par la réalisation d'un parvis facilitant l'accès au public, notamment aux personnes à mobilité réduite, et donnant à l'édifice et à sa façade principale un équilibre des volumes qui faisait défaut.
Le hall d'entrée et d'accès à l'ascenseur Le bureau du premier magistrat
Ainsi, après bien des rebondissements, l'Hôtel de Ville a-t-il gardé son allure de grosse maison qui s'imbrique parfaitement dans le bâti du bourg ancien tout en offrant aux usagers les commodités de travail et de service, inhérentes aux exigences administratives actuelles.
G. BIDARD
Bibliographie: Archives municipales
Le vieil Orgelet XVII et XVIII ème siècles - Louis LAURENT