MARIE CANDIDE BUFFET INSTRUMENTISTE ORGELETAIN MECONNU

On ne saurait parler de l'église Notre Dame d'Orgelet sans y associer immédiatement la place tenue par l'orgue remarquable qui emplit la nef, les jours de fête, de sonorités insoupçonnées. Mais pour autant cet instrument, comme « l'orgue du pauvre » que fut au XXeme siècle l'accordéon, ou encore l'harmonica, doivent en partie leur pouvoir expressif au système sonore que constitue l'anche, héritier des douces mélodies dont la nature nous comble lorsque le vent souffle dans les branches d'un arbre.

Nombreux furent les instrumentistes, d'abord en Orient puis plus tard en Occident qui travaillèrent à inventer, fabriquer, perfectionner des instruments de toute sorte basés sur ce principe et dont beaucoup n'eurent qu'une existence éphémère. Mais sait-on que parmi ces « mécaniciens musiciens» un orgelètain se fit un nom que notre cité se doit de ne pas laisser dans l'oubli. Et si, par erreur sans doute A. JACQUOT en 1886 et A. MUSTEL en 1903 avancèrent qu'il fut l'inventeur de l'accordéon - ce que les recherches récentes infirmèrent - il n'en est pas moins vrai que Marie Candide BUFFET, notre compatriote, fut pour beaucoup dans le succès en France des « harmonicas métalliques» nom qu'il donna aux modèles qu'il créa et qui, entre autres, ouvrirent la voie à l'accordéon.
On doit à Pierre MONICHON, dans ses livres « Petite histoire de l'accordéon» (1958), puis «L'accordéon» (1985 Van de Velde/Payot Lausanne), dans la collection « Instruments de musique » une étude très détaillée qui situe bien le rôle de M.C. BUFFET dans l'histoire de ces instruments. Et c'est lui qui nous apprend que c'est vraisemblablement en 1821 que fut inventé par F.BUSCHMANN le premier harmonica. Ce petit instrument de 10cm de longueur possédait 15 lamelles de métal (ou anches libres) vibrant sous le souffle de la bouche. Des ateliers installés en Autriche fabriquèrent de tels instruments dès 1823.
Quant à leur introduction en France elle aurait été le fait d'un petit trafic mi-clandestin, mi-régulier, d'objets hétéroclites recherchés pour leur nouveauté, véhiculés dans les diligences Strasbourg/Paris, monnayés dans les brasseries/relais, et dont le succès fut immédiat. C'est là que notre concitoyen va prendre place dans la belle histoire de cet instrument.

Marie Candide BUFFET neuvième et dernier enfant de Jean Louis Félix BUFFET et de Marie Françoise MOLARD naquit né le 3 Floréal de l'An V (22 Avril 1797) à Orgelet dans la maison qui porte aujourd'hui le n°13 de la rue du Commerce anciennement rue du Puits. Son père, marchand et perruquier, avait acheté cette maison en 1792 au Sieur JAUD. Après le décès de son époux en 1818, la mère de Marie Candide occupera cette maison jusqu'à sa mort en 1838.
Nous ignorons tout de la formation musicale et Technique de M.C. BUFFET « accordeur » et on ne retrouve sa trace qu'à partir de 1827 où, sans doute à Paris depuis plusieurs années, il installa un atelier de « fabrication d'harmonicas métalliques à bouches » rue des Blancs Manteaux dans le 4ème arrondissement, suite à l'engouement mentionné plus haut. L'entreprise de M.C. BUFFET connut un développement rapide l'obligeant à distribuer le travail en ville chez des particuliers dont l'un d'eux, Jacob ALEXANDRE allait fonder à son tour en 1829 une firme spécialisée dans les fabrications de cette nature qui prit une très grande importance.

En 1831 Marie Candide BUFFET s'installa dans des locaux plus spacieux, 8 Rue des Francs Bourgeois dans le Marais. Mais l'originalité et la qualité de ses fabrications étaient telles que Cyril DEMIAN, autrichien reconnu comme inventeur de l'accordéon s'en inspira en grande partie lorsqu'il créa son « harmonica à main » ou « Accordion » dont le brevet fut déposé à Vienne le 6 Mai 1829 et qui après bien des perfectionnements deviendra l'instrument que nous connaissons.

D'ailleurs, il semble bien, qu'avec quelques autres, M.C. BUFFET ait assuré en France, sinon la fabrication, au moins la vente de ce nouvel instrument qui connut lui aussi un succès rapide. En particulier il travailla jusqu'en 1837 en collaboration avec Mathieu François ISOARD, mécanicien luthier, qui devait à partir de cette date consacrer toute son activité à l'accordéon.

Célibataire, demeurant rue d'Angoulême à Paris, Marie Candide BUFFET devait décéder rue Ambroise PARE, sans doute à l'hôpital du même nom, dans le 3ème arrondissement le 20 Juillet 1859. Il était âgé de 62 ans.

Ainsi disparaissait un orgelètain trop méconnu de ses compatriotes et dont un espace consacré en grande partie à la musique, qui devrait voir le jour prochainement dans notre ville, pourrait porter le nom et perpétuer le souvenir.

A et G BIDARD