Orgelet durant la Révolution et l'Empire


 

Les Etats Généraux et l'Assemblée Constituante

5 mai 1789 - 30 septembre 1791

La crise financière amène la convocation des Etats Généraux du royaume. Les orgelétains, les bourgeois surtout, s'intéressent vivement aux péripéties de la campagne électorale, soucieux de soutenir le Tiers Etat, heureux de savoir que son doublement est acquis.

Convocation des États-Généraux

Le 15 mars 1789, l'assemblée des électeurs d'Orgelet est convoquée au son de la cloche dans la chapelle de la confrérie de la Croix, rue de la fontaine. La ville, comptant 448 feux, doit choisir quatre délégués qui s'occuperont du "cahier des doléances, plaintes et remontrances" puis la représenteront à l'assemblée bailliagère. Ce sont MM François LAZARE BABEY, lieutenant général au bailliage, François Ignace CLEMENT, maire, conseiller au bailliage, Jean Etienne CORDIER, conseiller au bailliage et Athanase BABEY, avocat du roi au bailliage.
Le lendemain 16 mars et pendant trois jours l'assemblée bailliagère est tenue à Orgelet, dans l'église paroissiale. Y participent 384 délégués des communautés. Un cahier des doléances du bailliage est mis au point et sont désignés 95 personnes qui iront à Lons le Saunier élire les députés aux Etats Généraux. Parmi ces derniers, Athanase BABEY, d'Orgelet, qui prend bientôt la route de Versailles.

L'espoir est grand, des nouvelles plus ou moins sûres arrivent. Le 20 juin (serment du jeu de paume) les Etats Généraux deviennent Assemblée Nationale Constituante. Le 20 juillet, les nouvelles sont singulièrement alarmantes : combats, massacres. Spontanément les Orgelétains au nombre de 214 se réunissent dans l'église. Ils obtiennent des autorités quelques vagues informations et, avant de se séparer, jurent "de sacrifier sur l'autel de la patrie leur repos, leur fortune et jusqu'à la dernière goutte de leur sang ".

Le 24 juillet, par un courrier extraordinaire, le commandant en chef de la province met en garde contre des bandes de voleurs et demande la plus grande vigilance. C'est la Grande Peur. Sous le coup de l'émotion une milice bourgeoise bientôt appelée Garde Nationale est créée. Elle est composée d'un Etat Major et de cinq compagnies comptant chacune 8 hommes. Y participent tous les hommes valides. De l'arsenal de Besançon on ramène en août 150 fusils, 150 baïonnettes et 1800 cartouches dans un "barri". Un ancien soldat, Guillaume LEVRAT, est appelé au commandement. Des uniformes sont confectionnés, on passe aux évolutions et aux exercices de tir. La garde Nationale n'aura pas à intervenir contre les brigands mais elle va contribuer au maintien de l'ordre et sera mobilisée lors des fêtes et manifestations.

Garde nationale

Les désordres de l'été 1789 n'ont pas rassuré les cultivateurs ni favorisé le commerce. En septembre on s'inquiète de la rareté et de la cherté des blés. La municipalité décide de faire des achats pour constituer une réserve logée au Monastère des Bernardines. Pour financer cette dépense elle vendra une coupe de la forêt de Crance.
L'Assemblée qui veut rétablir les finances propose une contribution patriotique du quart des revenus. N'y sont assujettis que les plus aisés mais de nombreux Orgelétains proposent volontairement des sommes importantes et aussi de modestes offrandes. La contribution patriotique, qui est un échec au plan national, est un succès à Orgelet avec 387 déclarations.

L'année 1790 voit la mise en place des nouvelles administrations. En janvier est constituée une nouvelle municipalité élue par 308 électeurs. Orgelet est choisi pour être le chef lieu d'un des six districts du nouveau département du Jura. Sont élus les 12 membres du conseil et est mis en place le directoire présidé par l'abbé Félix CHAMPION qui s'est montré fougueux patriote. A l'automne sont encore élus les cinq juges du tribunal et les deux juges de paix : ville et canton.

L'idée d'une entente, d'une fédération entre les gardes nationales fait son chemin. Une réunion préparatoire est convoquée à Dole en janvier 1790. En juin les gardes nationaux du district se réunissent à Orgelet et compagnie commandée par Guillaume LEVRAT est formée pour participer à la Fédération de Paris.
Les compagnies des districts du Jura constituant un bataillon aux ordres de M. de Malet, de Dole, prennent la route de Paris, à pied, par étapes. Le 14 juillet elles participent à la grande fête du Champ de Mars et rentrent en août. Les gardes nationaux d'Orgelet en garderont longtemps le souvenir.

Fête de la Fédération - 14 juillet 1790
La fédération du 14 juillet est aussi célébrée à Orgelet. Les cloches sonnent, les boîtes éclatent. Une messe solennelle est dite à l'église, vient ensuite le serment fédératif prêté par tous les assistants. La cérémonie finit avec un Te Deum.

La banqueroute menaçant la vente des biens du clergé au profit de l'Etat est proposée. Les prêtres d'Orgelet ne s'y opposent pas. On procède alors à l'évaluation des biens des religieuses bernardines, des prêtres familiers et des capucins : maisons, prés, champs, vignes et jardins. Les ventes commencent en janvier 1791. Les acquéreurs ne sont pas précisément les laboureurs qui vivent du travail de la terre mais surtout les bourgeois et hommes de loi. Les bâtiments des bernardines ne sont pas vendus, ils restent une maison nationale.

La chapelle du couvent de Bernardines à Orgelet

Après la vente des biens du clergé, l'Assemblée passe à une réforme radicale de l'Eglise de France. La constitution civile du clergé ramène les évêchés à un par département, réduit le nombre des paroisses. Evêques et curés sont élus, le pape seulement informé. Les membres du clergé seront rétribués par l'Etat comme des fonctionnaires.
D'abord on leur demande de prêter serment de fidélité à la constitution. Les uns le font tout simplement, d'autres avec restrictions, d'autres enfin refusent. Les prêtres d'Orgelet qui sont une vingtaine refusent tous en suivant leur évêque. En avril 1791 les électeurs pourvoient à leur remplacement. Un évêque du Jura est élu. François-Joseph CHARNAL, curé d'Orgelet cède la place à Jean-François GUILLAUMOT, constitutionnel auquel on adjoint deux vicaires.
Le nouveau curé, s'il a pour lui la loi et ses représentants ne tarde pas à se trouver confronté aux anciens prêtres qui continuent à célébrer à l'église les offices de fondation et attirent les fidèles. Constitutionnels et réfractaires s'opposent vivement. Les paroissiens s'en mêlent. Le curé GUILLAUMOT est quelquefois insulté et même agressé. Il porte ses plaintes à la municipalité embarrassée.

A la suite d'un arrêté du département, la municipalité d'Orgelet décide le 25 juin 1791 qu'il sera ouvert un registre pour recevoir l'inscription des volontaires "qui désirent se rendre utiles à la patrie et marcher à son secours lorsque les circonstances l'exigeront". Le patriotisme n'a pas faibli et de nombreux jeunes gens répondent à l'appel. Les volontaires du Jura forment 7 bataillons. Joseph-Marie JEANNIN, d'Orgelet, est élu lieutenant colonel en second du 5eme.

Le 14 juillet 1791 voit se renouveler la fête de la fédération, mais cette fois le serment est prononcé devant un autel de la patrie édifié sur la place au vin : un soubassement de pierre, au dessus un obélisque en planches surmonté du bonnet de la Liberté.
L'Assemblée Nationale ayant terminé ses travaux se sépare le 30 septembre 1791. Le 20 octobre la Constitution est proclamée solennellement dans les rues d'Orgelet par deux officiers municipaux accompagnés par un piquet de la garde nationale. On chante un Te Deum. On tire des boites "pour renouveler la joie des patriotes".

haut de l'article

L'Assemblée Législative

1er octobre 1791 - 20 septembre 1792

La France a de nouvelles lois, une constitution mais bien des problèmes ne sont pas résolus. Les conflits religieux persistent. A Orgelet les ennemis du culte constitutionnel n'ont pas désarmé. Des volontaires du 6eme bataillon doivent maintenir l'ordre aux fêtes de Pâques de 1792.

Les religieuses de l'hôpital ignorent le curé constitutionnel et pour un volontaire malade appellent l'ancien curé CHARNAL. Ce dernier, dénoncé, est en février 1792, condamné à un an de prison et doit prendre la fuite. Deux des religieuses sont expulsées et remplacées par des "citoyennes hospitalières" hélas peu instruites.

La fête de la fédération du 14 juillet 1792 n'est pas célébrée sur la place au vin mais sur la place d'armes, au bas de la promenade de l'Orme où l'on dresse un nouvel autel de la patrie.

Depuis le 20 avril 1792 la France est en guerre avec l'Autriche puis avec la Prusse avec des armées mal préparées. La campagne débute par des revers. Ils amènent la Législative à déclarer la patrie en danger pour provoquer un sursaut patriotique.

La Patrie en danger

La loi est reçue à Orgelet le 17 juillet. La municipalité décide de rester dans une surveillance permanente, demande aux citoyens de déclarer leurs armes et munitions. Les engagements volontaires sont encouragés. Ils sont 28 dans la commune à s'inscrire. Ils reçoivent des dons faits par les citoyens généreux. Les volontaires du district se rassemblent à Orgelet pour partir dès le 13 août. Le département peut encore organiser 5 nouveaux bataillons et Antoine BUFFET, d'Orgelet, élu lieutenant colonel, prend le commandement du 10e. La suspicion s'installe. Si les armées reculent n'y a-t-il pas trahison ?

En septembre on établit une liste des suspects. La garde nationale et la gendarmerie sont priées de les surveiller pour les arrêter s'il y a lieu. Les bâtiments des bernardines, désertés par les religieuses, deviennent une maison de détention des suspects pour Orgelet et sa région.

Les dangers amènent encore la Législative à sévir contre les Aristocrates et les prêtres réfractaires jugés responsables de complots. Le temps est venu pour ses prêtres de se laisser interner ou de disparaître. Nombreux sont ceux qui préfèrent partir et prennent la route de la Suisse. Quelques uns se cachent en attendant des jours meilleurs. Les plus âgés, qui souhaitent rester à leur domicile, sollicitent un certificat de la municipalité.

Une loi du 26 août 1792 autorise les prêtres à demander un passeport pour être "déportés" à l'étranger. Beaucoup désirent en profiter pour être dans la légalité, certains même reviennent pour repartir. Mais c'est une aventure : où aller ? que faire ? comment vivre ? . A la fin de l'année il n'y a plus à Orgelet que les prêtres constitutionnels.

Après la journée du 10 août 1792 le roi Louis XVI, déclaré déchu, est enfermé à la tour du Temple avec sa famille. La monarchie constitutionnelle n'existe plus. La Législative cède la place à une Convention chargée de rédiger une nouvelle constitution. Parmi les députés du Jura à cette nouvelle assemblée, Athanase BABEY, ancien constituant.

Haut de l'article

La Convention

21 septembre 1792 - 26 octobre 1795

Le 21 septembre 1792 la Convention se réunit. Elle commence par abolir la royauté et proclamer la République.

La ville d'Orgelet est informée et la municipalité décide de fêter cet événement. Le 26 septembre le maire et les officiers municipaux, les administrateurs du district, les juges, suivis par la Garde Nationale vont de place en place pour lire le procès verbal de l'assemblée tandis qu'éclatent les boîtes et sonnent la grosse cloche et le carillon.

Le succès de Valmy est aussi l'occasion d'une fête célébrée le 21 octobre. Pour la première fois, sous l'arbre de la Liberté de la place de l'hôtel de ville, on chante l'hymne composé par Rouget de Lisle à Strasbourg et qui est devenu "l'Hymne des Marseillais".

Rouget de Lisle chantant la Marseillaise

De Paris, un réseau de clubs ou sociétés populaires s'étend sur toute la France. Orgelet, chef lieu de district, ne peut manquer à la règle. Le 21 octobre 1792 plusieurs citoyens demandent la création d'un club dit société républicaine des amis de la Liberté et de l'égalité d'Orgelet. Les animateurs sont les administrateurs du district. Un des premiers actes de la société populaire est de faire planter un nouvel arbre de la liberté sur la place d'Armes, celui de l'hôtel de ville ayant séché. La société prend aussi la décision de faire détruire "les signes de féodalité" qui existent dans les monuments publics et à l'église.

Le 21 janvier 1793 le roi Louis XVI est guillotiné. Le député Babey n'a pas voté pour la mort.
A Paris, au lieu de s'unir pour rédiger une constitution les conventionnels se divisent et se déchirent : Girondins contre Montagnards. Les clubistes d'Orgelet, républicains mais d'esprit modéré, en souffrent. Ils estiment que la Révolution est finie et qu'il s'agit de donner de bonnes lois et une sage constitution pour retrouver le calme et la prospérité. Dans ce sens ils envoient des adresses à la Convention.

Les Montagnards accusent les Girondins de "Fédéralisme". Le 2 juin 1793 sous la pression de la Commune de Paris, la Convention vote l'arrestation de 22 députés Girondins et nombreux sont ceux qui fuient Paris pour rejoindre leurs provinces. Les administrateurs du Jura protestent et s'insurgent. Le conseil du département élargi sous le nom de Conseil Général de Statut Public organise la résistance. Y participent des orgelétains : le maire François-Xavier Champion, le juge Christophe Sorlin, l'ancien lieutenant général François Lazare Babey. Une force armée départementale est réunie : Jean Baptiste Donneux d'Orgelet en devient le "Général".
La Convention déclare la ville de Lons le Saunier en rébellion et met hors la loi les administrateurs.

Finalement la force armée inactive de désagrège, les administrateurs compromis doivent s'enfuir ou se cacher. Une commission administrative siégeant à Dole remplace l'administration de Lons le Saunier. L'épuration commence.
Bientôt le maire d'Orgelet François Xavier Champion est destitué. La société populaire régénérée prend le nom de Commune d'Orgelet. Le Directoire du district est renouvelé, de nouveaux juges sont nommés.

A la fin de septembre 1793 est organisé un Comité de surveillance de douze membres. Il devra surveiller "avec l'œil le plus vigilant" l'exécution des lois et sévir contre les suspects.
Le curé constitutionnel Guillaumot a abandonné sa charge. Ses deux vicaires Margueron et Meynier donnent leur démission. Plus de prêtres, plus de cérémonies religieuses.

La France est en guerre avec tous les pays voisins, sauf la Suisse. Pour faire face est appliqué avec rigueur le système des réquisitions. La première est celle des vases d'or, d'argent et de cuivre des églises qui feront " la solde des défenseurs de la patrie ". Suivent les réquisitions des cloches, des étoffes et des tailleurs, des cuirs et des cordonniers, des bourreliers, des blés, avoines et pailles, des chevaux... Les cultivateurs acceptent mal de livrer grains et fourrages à bas prix, certains les cachent ou ne les offrent qu'"au marché noir".

Pour triompher des ennemis de l'extérieur et de l'intérieur la Convention met en place un comité de Salut Public et la Terreur est à l'ordre du jour. Les administrateurs du district, la société populaire, le comité de surveillance donnent leur appui. Le représentant Lejeune, installé à Besançon, veille à tout. Des suspects sont envoyés à la maison de détention. La chasse aux "fédéralistes" reprend. Christophe Sorlin qui se sent menacé essaie de gagner la Suisse. Arrêté à la frontière il est transféré à Besançon. Il sera conduit à Paris devant le Tribunal Révolutionnaire, condamné à mort et guillotiné avec onze autres jurassiens le 13 juillet 1794.

La Convention organise une sorte de religion civique : le Culte Décadaire. Chaque décade les citoyens sont convoqués au Temple (l'église) : on lit le bulletin des lois, on prononce des discours, on chante des hymnes. Administrateurs, municipaux, enfants des écoles sont tenus d'être présents mais la grande partie de la population reste indifférente voire hostile.

Le 8 juin 1794 est célébrée à Paris la fête de l'Etre Suprême qui paraît marquer le triomphe de Robespierre. La même fête a lieu le même jour à Orgelet. La veille les canons tonnent, les tambours battent la générale. Au matin canons et tambours réveillent les citoyens. Rassemblés autour de l'arbre de la Liberté les participants chantent la Marseillaise. En cortège ils gagnent le Temple de l'Etre Suprême, l'église paroissiale. Là sont prononcés des discours, prêtés des serments. Un coup de canon met le point final.

Les armées françaises ont vaincue à Fleurus le 26 juin 1794. Les Orgelétains fêtent la victoire le 8 juillet. Beaucoup de jeunes gens sont aux armées. L'hôpital a dû renvoyer les malades et blessés habituels pour accueillir de nombreux défenseurs de la patrie blessés, malades ou convalescents. Il est devenu un véritable hôpital militaire et échappe à l'administration locale.
Cependant Robespierre est exécuté le 10 thermidor an II (28 juillet 1794) et bientôt suit une réaction.

Les décrets pris contre Lons le Saunier sont rapportés. Les administrateurs du district pendant la période de la Terreur sont entendus par un comité révolutionnaire du district. Si certains sont relâchés, plusieurs sont arrêtés pour " terrorisme et abus de pouvoir et enfermés dans la chambre d'arrêt de l'hôtel de ville. Le maire Champion reprend ses fonctions. La société populaire est encore épurée avant d'être dissoute en août 1795.

L'hiver 1794-1795 est rude : neiges et glaces, le ravitaillement difficile. En mars 1795, les prisonniers politiques réussissent à s'évader à la suite d'une négligence du concierge.
Mais les armées de la République commandées par de jeunes généraux continuent de remporter des victoires. Si elles chantent la Marseillaise, elles chantent aussi la chanson de "Cadet Rousselle" brocardant un Orgelétain, Guillaume Roussel, et que les volontaires ont portée à l'armée du nord où elle est devenue chant de guerre.

Chanson de Cadet Roussel

Vient la paix de Bâle et les citoyens d'Orgelet se reprennent à espérer.

En ville, les règlements de compte continuent. Des bandes venues de Lons le Saunier opèrent à Moutonne, elles récidiveront à Orgelet le 16 février 1796 sur la place au vin un jour de foire.

Le 26 octobre 1795 la Convention, ayant voté une Constitution dite de l'an III, met fin à ses travaux. Commence le Directoire. Les districts sont supprimés et c'est à Orgelet une grande déception. La ville n'est plus que le chef lieu d'un canton qui comprend alors 38 communes. Les communes constituent le canton en une seule municipalité.

Haut de l'article

Le Directoire

(26 octobre 1795 - 10 novembre 1799)

Les orgelétains sont mécontents. Il ne leur reste que la présidence de la municipalité cantonale qui est difficilement élue et mise en place. Le premier président est François Xavier Champion qui, en 1797, sera élu au Conseil des Anciens.

La guerre continue contre l'Autriche avec des opérations en Allemagne et en Italie sous le jeune général Bonaparte. Des Orgelétains y participent avec plus ou moins de chance : certains rentrent blessés et sollicitent une petite indemnité. Par contre des jeunes gens ne partagent pas cet enthousiasme. Ils se cachent ou désertent s'ils sont incorporés. La chasse aux insoumis et aux déserteurs est entreprise. On en vient à former une "colonne mobile" qui pourra le moment venu se rassembler et partir vers une localité troublée.

Des prêtres réfractaires supposant le régime du Directoire plus tolérant font des démarches pour être autorisés à rentrer. La municipalité cantonale les y aide. Mais s'ils rejoignent Orgelet c'est pour y vivre dans la discrétion. L'église constitutionnelle essaie de se reconstituer mais sans trouver une véritable audience.

Pour réchauffer le zèle patriotique des fêtes sont organisées ; fête de la jeunesse, fête de la victoire, avec de grands discours plus ou moins convaincants.
Les jeunes gens sont mobilisés, les réquisitions continuent au profit des armées. La pénurie demeure, les prix montent. D'une manière générale les citoyens ne font plus confiance aux assignats de papier qui se déprécient rapidement.

Les bouleversements amenés par la Révolution n'ont pas favorisé l'enseignement. L'administration départementale fait cependant des efforts pour réorganiser l'enseignement primaire. Dix instituteurs seront établis dans le canton d'Orgelet et un nombre égal d'institutrices. Ils seront rétribués par les communes mais aussi par les familles sauf constat d'indigence. Ces sages dispositions sont difficiles à mettre en œuvre, on manque de maîtres compétents, de locaux et de matériels.

Le coup d'Etat du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) amène un retour à des mesures révolutionnaires qui rappellent celles de 1793 et 1794 notamment la lutte contre les aristocrates et les prêtres insermentés. La cocarde tricolore est de nouveau exigée, les réunions décadaires bien désertées sont reprises. Mais ces mesures n'empêchent pas certains citoyens mécontents de l'appel aux armées ou de la situation économique de provoquer des troubles et même de se livrer au brigandage.

Déjà vainqueur en Italie, le Général Bonaparte est parti pour l'Egypte dans le but de frapper les Anglais. Il y a emmené le jeune Pierre Bouchard d'Orgelet, polytechnicien et lieutenant du génie. C'est lui qui, au cours de travaux, découvre la pierre de Rosette et en comprend toute l'importance.

La pierre de Rosette découverte par l'orgelétain Pierre Bouchard

La guerre vient en Suisse et les comtois sont particulièrement sollicités pour ravitailler les troupes de Masséna.
Finalement on apprend que le 18 brumaire an VIII ( 9 novembre 1799) par un coup d'Etat, le général Bonaparte rentré en France a renversé le Directoire et s'est emparé du pouvoir. A Orgelet la majorité approuve. Le Général, très populaire, paraît seul capable de rétablir l'ordre, de ramener la paix et l'abondance.

Haut de l'article

Le Consulat et l'Empire

(1799 - 1815)

La paix est bien rétablie avec l'Autriche en 1800. Les autorités d'Orgelet la fêtent avec solennité : épreuves sportives et illuminations avec transparents portant : " Vive la Paix ! Vive la République ! Vive le Général Bonaparte ! ".

L'année suivante l'Angleterre traite. Encore une fête avec défilés, discours et illuminations.
Dès lors les événements lointains trouvent peu d'échos dans la ville. Ne restent que les inquiétudes des habitants qui supportent mal la conscription et les incertitudes de la guerre qui reprend dès 1804.

La paix intérieure est cependant appréciée. Les Orgelétains s'efforcent activement de retrouver leurs avantages perdus. Deux maires seulement dirigent les affaires communales : Louis Joseph Darbon et François Babey.

Ils aimeraient le retour du tribunal et font dans ce sens de nombreuses démarches, même auprès de l'empereur, et toujours sans succès.
Le vieux collège a mal passé la Révolution. On lui substitue en 1803 une école secondaire avec trois puis quatre professeurs installée dans les bâtiments des Bernardines. On y donnera un enseignement renouvelé avec une plus large place donnée aux mathématiques et aux sciences. On y accueillera même une école ecclésiastique. Le succès demandera l'organisation d'un pensionnat qui sera très florissant.

L'ancien curé François Joseph Charnal retrouve sa cure après le Concordat mais il n'a plus qu'un seul vicaire. L'église qui a souffert de la Révolution : vitraux cassés, bancs détériorés lors des déplacements, vases et ornements livrés au district, a besoin de sérieuses réparations.

La municipalité s'intéresse au Pont de la Pyle, pont de bois en mauvais état qu'il faut remplacer pour assurer le passage important vers Moirans et St Claude.
Elle obtient douze foires annuelles fixées au 24e jour de chaque mois.

Avec la paix intérieure les activités agricoles et artisanales reprennent vie. Tanneurs et cordonniers sont au travail. De nombreux artisans ont ouvert boutiques ou ateliers. Des commerçants sont bien approvisionnés. Orgelétains et habitants des campagnes peuvent être satisfaits.

Orgelet, loin des sources, a toujours manqué d'eau. La municipalité fait remplacer les vieux conduits pour que soient régulièrement alimentées les trois fontaines.
Enfin comme les incendies sont toujours très redoutés la compagnie du feu est réorganisée et pour la première fois sont achetées des pompes à incendie, "l'une de fort calibre pour les incendies de combles et de couverts, l'autre portative pour les incendies de chambres et habitations".

Les guerres continuent hors du sol français. Plusieurs Orgelétains y gagnent l'épaulette. Jean-Baptiste Devaux, au service depuis 1788, après de nombreuses campagnes, devient général.

Mais l'Empire s'écroule en 1814. La Franche-Comté va connaître l'invasion. Des Autrichiens passent à Orgelet où, dit-on, il faut toute l'astuce de l'adjoint au maire Louis Gaspard Pidoux pour éviter des représailles trop humiliantes.

En 1815 l'Empereur revient pour Cent jours mais la défaite de Waterloo met fin à son extraordinaire aventure.



Athanase BABEY
Né à Orgelet le 2 mai 1743. Avocat du roi au bailliage.
En 1789, député aux Etats Généraux puis à la Constituante.
En 1792, député à la Convention, proscrit avec les Girondins, puis de retour après Thermidor.
De 1795 à 1799, membre du Conseil des Cinq Cents.
Retiré à Salins, il y meurt en 1815.
En savoir plus

Félix CHAMPION
Né à Charnod le 19 mai 1746.
Prêtre et Docteur en Théologie, il est en 1789 curé de Vosbles.
En 1790 il est président du district d'Orgelet, en 1791 député à la Législative.
En l'an VIII, il est commissaire du gouvernement près de l'administration départementale.
Il finit sa carrière comme Conseiller de préfecture et meurt à Lons le Saunier le 10 août 1804.

Christophe SORLIN
Né à Orgelet le 6 septembre 1746, fils d'un maître cordonnier.
Il acquiert l'office de substitut du procureur du roi au bailliage.
Avec la Révolution il est secrétaire général du district. En 1792, il est élu au conseil du département puis juge au tribunal du district.
En 1794, menacé comme " fédéraliste " il tente de passer en Suisse mais il est arrêté à la frontière, conduit à Besançon puis à Paris. Il est condamné à mort par le tribunal révolutionnaire est guillotiné avec onze autres jurassiens le 13 juillet 1794.

François-Xavier CHAMPION
Né le 14 décembre 1743 à Charnod, il est le frère aîné de l'Abbé. Avocat, il est élu juge au tribunal d'Orgelet en 1790 puis maire de la ville en 1792. Destitué comme " fédéraliste " en 1793 il est réinstallé dans sa fonction après Thermidor.
En 1795 il est élu président de la municipalité cantonale, en 1797 membre du conseil des Anciens.
De 1799 à 1804, il est membre du Corps Législatif.
Il meurt à Lyon le 7 décembre 1809.

Guillaume ROUSSEL
Né à Orgelet le 30 avril 1743, fils d'un cavalier de la maréchaussée. A vingt ans part pour Auxerre.
D'abord clerc d'huissier, il succède ensuite à son employeur et jouit d'une honnête aisance. Bon vivant, un peu excentrique, il est chansonné.
En 1792 la chanson " Cadet Rousselle " qui se moque de ses trois maisons, de ses trois habits, de ses trois chapeaux … est portée à l'armée du Nord par des volontaires. Elle en devient le chant de guerre. Les enfants l'ont toujours chantée.
Bon révolutionnaire mais prudent Guillaume Roussel continue ses fonctions à Auxerre jusqu'à sa mort survenue le 27 janvier 1807.

Pierre BOUCHARD
Né à Orgelet le 29 avril 1771 dans une famille modeste. Bon élève au collège il y devient régent en 1791 mais en 1793 est pris par la réquisition. Il sert dans les grenadiers puis dans les aérostiers, il est même professeur de mathématiques à leur école de Meudon. Admis à l'école Polytechnique en 1796.
En 1798 il est désigné pour l'expédition d'Egypte comme lieutenant du génie. Au cours de ses travaux dans la région du Nil, il découvre la pierre de Rosette et la fait conduire au Caire.
SA carrière est mouvementée : après l'Egypte, Saint Domingue puis l'Espagne et le Portugal.
Sous la Restauration, chef de bataillon du Génie, ,il meurt en service à Givet le 5 avril 1822.

Marie-Jean-Baptiste-Urbain DEVAUX
Né à Orgelet le 25 mai 1767. Il s'engage en 1787 dans les dragons. Dès 1793 il est adjudant général à titre provisoire à l'armée des Pyrénées Orientales sous Dugommier. Suivent ensuite de nombreuses campagnes : en 1800 et 1801 à l'armée d'Italie, de 1801 à 1804 à Saint Domingue, à la Grande armée en Autriche, Prusse, Pologne enfin en Espagne. Promu général de brigade en 1811 il devient aveugle et doit prendre sa retraite en 1815. Il meurt à Paris en 1836.
Il est Chevalier de l'Empire, Officier de la Légion d'honneur, Chevalier de Saint Louis.

 

Texte de Louis Laurent