Le Tacot d'OrgeletA la fin du 19ème siècle , la France était déjà couverte par un réseau ferré conséquent. Entre Paris et Lyon le chemin de fer avait supplanté les diligences depuis un demi-siècle et dès 1857 la compagnie PLM était créée qui allait bientôt desservir les grandes villes du sud-est de notre pays. Mais le sud du département du Jura n'avait guère retenu l'attention des concessionnaires et toute idée d'extension à partir de Lons-le-Saunier, d'itinéraires à voie normale pour désenclaver la petite montagne avait été abandonnée. Ce n'est qu'en 1870 que fut envisagée pour la première fois la desserte en voie métrique de la région d'Orgelet par embranchement sur le tracé Lons-le-Saunier/Saint Claude via Clairvaux et Moirans. Malgré ce retard déjà préjudiciable à l'économie locale les choses trainèrent encore en longueur. Carte postale ancienne du viaduc de Revigny (Jura)Orgelet s'était bien indignée en 1881 de l'inaction de la commission des tramways au Conseil Général, mais il fallut attendre 1888 pour que le Préfet confie enfin au service des Ponts et Chaussées l'étude détaillée des lignes précitées. La compagnie «Tramways à vapeur du Jura», société anonyme au capital de 3.650.000 francs allait être créée en 1892 avec la garantie de l'État et du département pour prendre en charge la construction et exploitation de ce projet, première entreprise de voies ferrées d'intérêt local de la montagne jurassienne.
D'autres projets étaient envisagés par ailleurs qui ne virent jamais le jour, comme par exemple en 1893 une ligne Orgelet/Cize, dans le même esprit de création d'une liaison à voie métrique entre deux gares desservies par le réseau P.L.M à voie normale.

Carte postale ancienne de la gare de Lons-le-SaunierLes travaux de construction de la ligne à voie unique tant attendue à Orgelet allaient se révéler plus difficiles que prévu dans le relief accidenté des monts entre Lons-les-Bains et la «Bifur» où venait se raccorder le tronçon desservant notre cité. C'est dans le secteur de Revigny que les incidents furent les plus marquants avec un glissement de terrain d'un volume de plus de 100.000 m3 et des problèmes d'avancement dans le percement du tunnel de Rochechien en 1896.
Par contre, la réalisation de la bretelle d'Orgelet qui empruntait en grande partie le tracé de la route départementale n°4 fut plus aisée. On nota cependant quelques craintes au passage de la Thoreigne franchie pour des raisons d'économie en utilisant un ouvrage en maçonnerie déjà existant où se manifestèrent des désordres au passage du train d'essai un mois avant l'inauguration de la ligne.

Carte postale ancienne - le tacot devant la poste d'OrgeletCelle-ci eut lieu le 23 Octobre 1898 tant pour la ligne Lons-le-Saunier/Clairvaux/Moirans/Saint-Claude que pour la bretelle Bifurcation/Orgelet. La municipalité d'Orgelet avec à sa tête le Maire Amand VERNIER rejoignit le train ministériel en gare de la «Bifur». L'événement avait entraîné en effet la venue sur place de Messieurs GODIN, ministre des Travaux Publics et TROUILLOT, ministre des Colonies et par ailleurs député, président du Conseil général du Jura.

Dès lors, les grandes festivités étant terminées « le Tacot » - puisque désormais ce serait son nom - va rendre de grands services et contribuer au développement économique de la région d'Orgelet.
Carte postale ancienne - le quai de la gare d'OrgeletLe temps était venu où l'on pourrait se rendre d'Orgelet à Paris en une journée ou une nuit. Et puis, dans la vie de tous les jours, le tacot va être un vecteur d'animation et une source d'anecdotes savoureuses. Ah ! si les wagons de voyageurs avaient pu nous relater les bavardages bruyants des orgelètains empruntant le tacot, que de souvenirs anodins ou cocasses seraient aujourd'hui en notre possession.
Par ailleurs, pour Orgelet et ses tanneries plus besoin de voiturer depuis Publy les lourdes charges de cuirs verts, de colle, d'écorces à tan. Mais il faudra insister pour qu'une grue de manutention et un pont bascule soient installés en gare car le trafic marchandises atteindra près de 4.000 tonnes par an. La question du chargement et du déchargement des colis était aussi un problème pour les trains de voyageurs qui prenaient souvent du retard en raison d'arrêts prolongés dans les gares par manque de main d'oeuvre. Manque de bras aussi quand, en hiver, les trains étaient bloqués par la neige. Et cela se traduisait toujours par des réclamations aux chefs de gares de même que, lorsque le chauffage des wagons de voyageurs était inefficace ou qu'une lampe à pétrole hors d'usage laissait tomber goutte après goutte un liquide gluant sur le chapeau melon et le pardessus neuf d'un voyageur hors de lui.

 

Carte postale ancienne : le tacot dans les rues d'Orgelet

Carte postale ancienne : la gare d'Orgelet


Carte postale ancienne : Jour de foire à Orgelet (Jura)Mais au-delà de ces pérégrinations d'alors c'est toute une génération d'orgelètains qui n'aura retenu que le caractère pittoresque du tacot. Tacot des jours de foire entre autres qui, tel une chenille de 60 mètres de longueur tirée par une loco 030 Franco-Belge suait sang et eau dans les monts de Revigny avant de reprendre sa respiration dans la morne plaine rocheuse menant de Poids-de-Fiole à Dompierre.
Trois trains par jour dans chaque sens pour un trajet de moins de deux heures entre Orgelet et Lons-les-Bains. Et cela en 1900 pour 2F50 en 1 ère classe et 1F70 en seconde. Le 9 Mai 1948 sonna le glas de la véritable épopée d'un demi-siècle d'existence de ce banal moyen de locomotion. Mais bien au-delà des services rendus le tacot aura été un symbole d'ouverture du monde rural jurassien vers d'autres horizons. Pour cela il tiendra toujours une place privilégiée dans le patrimoine historique de notre cité.

G. BIDARD
 

Carte postale ancienne : La gare d'Orgelet (Jura)Bibliographie:

  • Petits trains à l'assaut du Jura M ET JL BOIVIN
  • J.EDOM Aux éditions Cenomane - La Vie du rail
  • Archives départementales du Jura

 Quelques articles d'André Jeannin sur le tacot :


Le Tacot à la sortie d'Orgelet

1948 - fin du Tacot à Orgelet