Inauguration de la stèle CADET ROUSSEL

Discours inaugural de la stèle de Cadet RousselA l'occasion des "Journées du Patrimoine"
Samedi 20 Septembre 2003

Allocution du Président de l'ASPHOR

Cadet Roussel ! Qui d'entre nous, n 'a pas un jour fredonné la ritournelle " Ah, ah, ah oui vraiment Cadet Roussel est bon enfant " qui rythme les multiples couplets aux triades farfelues d'une chanson dont la popularité n'a pas faibli malgré l'usure du temps.
Eh bien aujourd'hui nous allons parler de ce Cadet Roussel et lui rendre un hommage qu'Orgelet a voulu inscrire dans le cadre des "Journées du Patrimoine" et c'est avec un grand plaisir qu'au nom de l'ASPHOR (Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Historique et Naturel d'Orgelet et de sa Région) il me faut resituer en quelques mots l'événement hautement symbolique que nous vivons en ce moment. Les "Journées du Patrimoine" sont l'occasion dans chaque ville, chaque village, en septembre d'aller à la découverte de l'héritage que nous ont laissé nos aïeux sur notre belle terre de France.

Le plus souvent l'on se plaît à visiter des sites prestigieux, des monuments remarquables et des lieux où le commun des mortels n'a pas aces ordinairement et où il lui est ainsi permis de satisfaire une légitime curiosité. Mais pour autant cet héritage dont nous sommes si fiers ne saurait se limiter au patrimoine bâti quelle que soit la richesse de ses décors, oubliant toutes les autres formes de manifestation du génie humain. En particulier il serait injuste de ne pas mettre l'accent sur ce qui a trait au folklore, aux traditions populaires, à toutes ces petites choses qui_ ont fait la vie de tous les jours de nos ancêtres.
Et dans ce domaine patrimonial, avant le hip hop il y eut la bourrée auvergnate et avant le rock, le rap, la musique pop il y eut la Carmagnole, Au Clair de la Lune, et il y eut bien sûr, la chanson de Cadet Roussel.
Mais alors qui était donc ce Cadet Roussel et pourquoi en évoquer le souvenir à Orgelet ?

Stèle de Cadet Roussel à Orgelet (bas relief réalisée par Elias Rodrigues)Cadet Roussel est-il un mythe, le produit de l'imagination d'un vaudevilliste, ou encore un simple d'esprit, un joyeux luron objet d'une raillerie féroce" La question souvent posée mérite réponse. Et celle-ci a été donnée en 1945 par l'excellent livre de Pierre PINSSEAU historien et Président du Tribunal Civil d'Auxerre qui, preuves à l'appui a précisé l'identité du personnage, sujet curieux et amusant dont la vraie personnalité restait jusqu'alors ignorée. Il est désormais établi que Cadet Roussel a bien existé et si sa popularité née du succès de la chanson a suscité nombre de convoitises quant à son origine et à son existence, un point final a été mis aux controverses à ce sujet. Le Cadet Roussel de la chanson est un enfant d'Orgelet, qui s'illustra à Auxerre où on trouve sa trace en 1763 à l'âge de vingt ans.
Ce qu'il fit dans cette ville jusqu'à sa mort en 1807 est bien connu. Et s'il n'est pas dans notre propos d'aujourd'hui d'en faire le récit détaillé, il nous faut cependant rappeler comment son nom est passé à la postérité.
Jeune homme opportuniste il comprit très vite à son arrivée en Bourgogne, après avoir exercé quelques emplois de second plan que, profitant de l'instruction qu'il avait reçue à Orgelet, il lui était possible de se faire une place plus enviable. C'est sans doute à son parrain et à son oncle, tous deux huissiers au Bailliage d'Orgelet qu'il doit d'avoir reçu quelques notions permettant de faire illusion quant à ses capacités à exercer une telle charge. Il fut assez malin pour imaginer comment y parvenir et assez rusé pour arriver à ses fins en épousant une femme de seize ans son aînée mais richement dotée. C'est ainsi qu'en 1780 il obtint une charge de premier huissier audiencier au Bailliage royal d'Auxerre.

Installé dans la place il commença alors à multiplier ses facéties. Car, tout en étant devenu Maître Guillaume Roussel, il n'en était pas moins bambocheur et tout à la fois membre du Comité de Salut Public, retournant sa veste à plusieurs reprises dans les années troubles de la Révolution, adulé lorsqu'il organisait avec un génie inventif certain les festivités en l'honneur de la déesse Raison et jeté en prison sans ménagement lorsque la dictature de Robespierre prit fin. Ce verbiageur impénitent, infatué de sa personne, aimant les bons mots et les grands discours ne pouvait qu'attirer sur lui les sarcasmes. Et c'est ainsi qu'en 1792, parodiant la chanson populaire de Jean de Nivelle composée deux siècles auparavant et qui avait tant amusé les français, un de ses compatriotes, le chevalier de Chenu du Souchet, chansonnier à ses heures, gratifia les Auxerrois d'une ronde au caractère incisif dont le héros était tout trouvé.
Le succès fut immédiat dans les chaumières mais, qui plus est, les volontaires auxerrois rejoignant l'armée du Nord en qualité de gardes nationaux en firent leur chant de marche. Certes les paroles n'étaient pas guerrières mais, durant un temps, la chanson, à l'égal de la Marseillaise gagna toute l'armée. Puis elle passa dans le peuple et traversa toutes les couches de la société.
Elle devait par la suite devenir une rengaine enfantine reprise dans tout notre pays mais je puis vous assurer l'avoir aussi entendue fredonner lors de mes voyages à l'étranger si d'aventure, entre amis, je venais à révéler que Cadet Roussel était natif d'Orgelet.

L'engouement pour le personnage fut tel qu'il se traduisit aussi par la production de plusieurs dizaines de comédies ou opéras-comiques aux noms évocateurs comme "Cadet Roussel panier percé" ou "La mort et la résurrection de Cadet Roussel" Des films, beaucoup plus tard, furent aussi tournés dont l'un en particulier avec François Perier et Bourvil. Ne dit-on pas que Napoléon lui-même à son retour à Paris au terme d'une célèbre bataille fut amené à honorer de sa présence l'une de ces représentations aussi plates que populaires. Et jusqu'à Victor Hugo qui dans son "Quatre Vingt Treize" fait dire à Danton se moquant de Robespierre qui venait de monopoliser la parole durant deux heures à la Convention
" Cadet Roussel fait des discours, Qui ne sont pas longs quand ils sont courts "
Aucun gamin d'Orgelet, du Jura ou de Franche Comté n'aura connu adulte une telle popularité.

Stèle de Cadet Roussel à Orgelet (Jura, France)Mais au fait que sait-on justement de Cadet Roussel orgelétain, c'est à dire enfant et adolescent ?
Bien peu de choses, comme cela est le cas la plupart du temps, car l'on ne parvient en général à la notoriété que dans la force de l'âge.
Les registres paroissiaux conservés précieusement à Orgelet nous apprennent qu'il y est né le 30 Avril 1743. Ses parrain et marraine étaient Guillaume Joseph Baud et Anne Marie Jacquin.
Son père, Jean Baptiste Roussel, successivement boucher, tanneur puis cavalier de la maréchaussée avait épousé en novembre 1740 Marie Pierrotte Girard. Un premier fils, Claude Antoine était né de cette union en 1741. Guillaume Roussel, notre héros, venu au monde deux ans plus tard reçu le surnom de Cadet que l'on attribuait alors aux puînés.
Sa maison natale était située sur les lieux mêmes où nous sommes. Elle fut hélas détruite 'dans le grand feu du 21 Novembre 1752 - Cadet Roussel était alors dans sa dixième année -. On comprend donc que les réponses données à la question maintes fois posée de savoir où il vit le jour soient souvent évasives voire erronées. Il est opportun aujourd'hui d'essayer d'apporter quelque lumière sur ce point.
Les recoupements effectués après de longues et minutieuses recherches par le regretté François Prost notaire et historien de notre cité, en s'appuyant sur des informations extraites des minutes notariales conjuguées avec le plan d'Orgelet dressé sur ordre de l'Intendant après l'incendie ne permettent que de positionner approximativement l'emplacement de cette maison. La seule précision qui puisse être avancée dans l'état actuel des choses c'est qu'elle se trouvait dans le périmètre bâti portant aujourd'hui les numéros 15 à 19 de la rue de la République alors successivement rue de la Fontaine et rue Royale, un peu avant l'angle que fait cette rue à l'enracinement de la rue de la Tisserie.
Cadet Roussel fit donc ses premiers pas où vous vous trouvez. Était-il déjà un gamin déluré, faisant montre d'une certaine originalité. Qui sait? Nos historiens locaux auront encore beaucoup de travail pour tenter de préciser les choses concernant lui-même et sa famille durant les décennies de leur présence à Orgelet. On sait cependant que la maison natale devenue un chasal suite à l'incendie fut vendue en 1761 à Pierre François Babey. Le père de Cadet Roussel étant décédé en Avril 1762, c'est vraisemblablement alors que la famille quitta Orgelet. Il faudra éclaircir la raison pour laquelle en Mars 1773 une procuration signée Guillaume Joseph Roussel, donc Cadet Roussel, fait état de sa qualité de bourgeois de Paris demeurant dans la capitale rue de la Chauverrerie, paroisse Saint-Eustache, la famille liquidant alors ses biens d'Orgelet et des environs.
Quoi qu'il en soit Cadet Roussel constitue bien un élément indiscutable du patrimoine historique et folklorique orgelétain même si à l'évidence ce privilège est à partager avec Auxerre.
Orgelet se devait donc de marquer enfin de façon durable le souvenir de la venue au monde de ce personnage populaire. L'ASPHOR a pensé qu'il était dans son rôle de le faire, mais en se différenciant d'Auxerre, qui en le statufiant a forcé le trait de son côté fantasque d'adulte. C'est pourquoi notre Association a pris l'initiative de faire sculpter un bas relief faisant renaître dans la pierre Cadet Roussel, jeune orgelétain du 18ème siècle, à l'image du personnage adopté par la Ville comme étant "Cadet Roussel Enfant d'Orgelet".

Et c'est à un artiste orgelétain, Monsieur Elias Rodrigues que fut confiée cette tâche. L'association en a fait don à la commune laquelle en a assuré la mise en valeur dans une stèle.
Discours de Mme Chantal Labrosse, maire d'OrgeletMadame le Maire qui a bien voulu encourager, soutenir et compléter la démarche de notre association, va dans quelques instants dévoiler les traits de celui qui semble nous dire " Eh oui je suis Cadet Roussel. Heureux de retrouver enfin les lieux de mon enfance. Mais je m'y perds un peu. Bien sûr notre maison n'est plus là. Elle a brûlé dans le grand feu parti de chez le maçon Denis Perrin au bas de la Grand'rue. Et puis, là où je me trouve il y avait une fontaine circulaire à côté d'une belle croix. L'une et l'autre ont disparu. Lorsque nous chahutions en faisant des rondes autour de cette croix nous nous faisions gronder par Mademoiselle Perreaud, la nièce de l'ancien curé, celui qui m'avait baptisé, et qui habitait juste en face, là où je vois aujourd'hui une belle maison. Il faut dire qu'à l'époque nous formions une bonne bande de copains avec ma cousine Marthe Hyacinthe et mon cousin Guillaume Joseph Goy, ma soeur Marie Catherine, mon frère Claude Antoine et aussi Claude François Jaud le fils du tailleur d'habits. Il rêvait d'être prêtre et il avait une soeur la jolie Marie Reine dont j'étais amoureux, comme on peut l'être à dix ans. Je me souviens aussi de ce terrible dimanche d'octobre 1754 jour de la fête des tanneurs et des cordonniers.. Nous étions couchés lorsque nous fûmes réveillés par un tintamarre causé par l'arrivée dans la cité de Mandrin et de ses 102 contrebandiers à cheval qui brutalisant aussi bien les bourgeois que les manouvriers, volant fusils et habits, menaçaient de revenir plus nombreux encore, avant de prendre la fuite en direction de la Suisse. Comme je regrette que vous ayiez mis si longtemps à me faire une petite place parmi vous. Car voyez vous, je n'étais pas aussi hurluberlu qu'on a bien voulu le dire. C'est cette vie mondaine à Auxerre qui m'a tourné la tête."

Miniature en porcelaine estampée, décorée et émaillée à la main - hauteur 80mm - largeur 40mm, disponible à l'ASPHORVoilà Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, chers amis, le message que l'ASPHOR m'a chargé de vous transmettre. Et qui sait si Cadet Roussel revenu parmi nous ne confiera pas à Monsieur Laurent dans le creux de l'oreille quelques anecdotes que notre cher historien saura nous conter pour notre plus grand plaisir. Il reste maintenant à vous laisser faire connaissance avec celui dont le nom a fait le tour du monde.
Mais au préalable, Madame le Maire, vous voudrez bien accepter de la part de l'ASPHOR un petit présent en souvenir de cette journée. C'est une miniature, reproduction du bas relief que vous allez maintenant découvrir. Cette miniature est en porcelaine étampée, décorée et émaillée à la main et porte le n°1 en souvenir de l'événement de ce jour.
Et que vive Cadet Roussel.