Souvenirs : et si l'on parlait des baptêmes

La charte de 1266 octroyée aux Orgeletains par les Ducs de Chalon s'intéresse aux mariages mais surtout en ce qui concerne les droits à acquitter par les futurs époux. Ainsi le droit d'épousailles dû aux vicaire et chapelain est fixé à cinq sous par homme et par femme et d'une écuelle des viandes des noces d'une valeur de trois sous. En outre, l'époux donne 12 deniers à la porte de l'église. Le lendemain des noces, le mari doit offrir à la grande messe paroissiale une pinte de vin et l'épouse, une chandelle et un pain. La permission de se marier hors d'Orgelet coûtera dix sous.

La naissance des enfants n'est guère évoquée dans cette charte, sinon par l'article 12 qui stipule que « la maison où est femme ou fille gisante (en couches) ne doit ni guet, ni écharguet (guet extérieur) ni service militaire ». Le côté lucratif n'est pas oublié pourtant « la femme en couches, adultère, fornicatrice ou autrement (?) doit, comme la légitime, la première fois qu'elle retourne à l'église « quatre petits blancs », une chandelle et pour le clerc « une engrougne (1 denier 1/2) ». Pas un mot sur le baptême. Il faudra attendre 1539 et l'Ordonnance de Villers-Cotterets pour que le baptême tienne lieu d'état civil et cela jusqu'à la Révolution. Quant à la cérémonie religieuse, un rite essentiel dans la religion catholique consistait en une ablution accompagnée d'une invocation sacramentelle « Je te baptise au nom du père, du fils et du Saint-Esprit ». Sa matière est l'eau symbole de la purification de l'âme.

Cérémonie religieuse, le baptême est devenu, plus encore au début du XXe siècle que maintenant, l'occasion d'une fête familiale, assez intime tout de même puisque se retrouvent autour d'une bonne table quelques invités de très proche parenté et évidemment le parrain et la marraine. Profitaient aussi de baptême à l'église, les enfants qui, dès que carillonnaient les cloches, s'attroupaient aux portes de l'édifice pour se lancer à la conquête des dragées et des pièces de menue monnaie jetées généreusement par le parrain et la marraine.

Cérémonie finalement traditionnelle et très simple pour la plupart des familles, le baptême chez les puissants, et particulièrement pendant la période des rois, déclenchait des festivités nationales ostentatoires et d'une sincérité douteuse comme le prouve cette lettre adressée au préfet du Jura le 5 mai 1821 par le maire de La Tour-du-Meix à l'occasion du baptême du Duc de Bordeaux - « l'enfant du miracle » - petit-fils de Charles X. « J'ai l'honneur pour me conformer à votre lettre du 12 avril dernier, de vous transmettre les détails de la fête qui a eu lieu à l'occasion du baptême de son altesse royale, le Duc de Bordeaux. Le matin à 5 heures, cet-te journée mémorable fut annoncée au son des « boïettes », à 8 heures, se fit une distribution de vingt mesures de graine donnée aux plus malheureux de la commune. A 9 heures se dit à l'église de Saint-Christophe la messe suivie d'un Te Deum. Nous eûmes un repas nombreux ou. l'on porta des voeux d'affection, pour les santés du Roi et du Duc, de Bordeaux, toujours au bruit des boïettes ; à deux heures, nous sortîmes de table pour aller faire couler le vin sur la place publique. Je puis vous dire que la joie était portée à l'enthousiasme. Chacun but avec des démonstrations non équivoque d'allégresse à la santé du Duc de Bordeaux et du Roi, pendant une heure et demie que la fontaine de vin a coulé. A quatre heures commença la danse ; j'avais fait venir un musicien d'Orgelet ; toute la jeunesse y était et s'amusa. A six heures commencèrent les courses pour les jeunes gens les prix étaient des médailles de bronze frappées à l'occasion de la naissance de son altesse royale... Et de signaler alors les differentes épreuves et les noms des vainqueurs, avant de terminer la, missive par ces écrits obséquieux. « Il me reste M. le Préfet à vous remercier de nous avoir autorisés à donner un témoignage, aussi public et aussi éclatant de l'ardent amour que nous portons tous à notre monarque ainsi qu'à toute sa famille ».

André Jeannin
Article paru dans Le Progrès le 14 janvier 2000