Quand l'élection du conseil municipal ne suscitait pas trop de passion

 

Dans les quarante premières années du XXe siècle, les Orgeletains uniquement les hommes âgés d'au moins 21 ans, inscrits sur les listes électorales se rendaient en mairie pour voter. Les femmes n'étaient pas électrices ;  normal disaient les misogynes, elles n'y connaissent rien en politique et leurs voix iraient aux candidats « don juanesques » ou à ceux recommandés du haut de la chaire par le curé. Les hommes élisaient donc le député de la circonscription, le conseiller général, le conseiller d'arrodissement - cette fonction n'existe plus - et le conseil municipal qui choisira le maire et les adjoints. Il semble bien que cette élection locale soit considérée comme la plus importante et les Orgeletains choisissent généralement des personnalités en majorité d'opinions conservatrices. Orgelet en cent ans n'a guère évolué politiquement et si en 1848, le maire Vuillemenot écrit au préfet « que la tranquillité règne dans la ville, que le peuple est parfaitement disposé à faire acte de soumission au nouveau gouvernement (la Seconde République) »,Adrien Berthod il n'empêche que ces pâles républicains orgeletains et des communes du canton donneront 1826 voix soit 91 % des suffrages à Louis-Napoléon Bonaparte, élu président de la République, qu'il supprimera par un coup d'état pour restaurer l'Empire. Ils sont toujours aussi frileux, les républicains orgeletains des années 30 et le clivage droite-gauche n'apparaîtra qu'avec la naissance et la croissance du parti radical socialiste de Edouard Herriot figure emblématique de cette idéologie. Alors éclatera parfois l'enthousiasme, quand par exemple, le sempiternel conseiller d'arrondissement de droite et « calotin » sera battu par un « rouge » comme le catalogueront immédiatement ses adversaires ou quand Berthod triomphera aux élections législatives... Cependant, dans ces années 30 et jusqu'en 1945, on ne trouve pas encore de passion exacerbée chez les électeurs qui choisissent les conseillers municipaux, si bien que les conseillers et maires sont assurés de plusieurs mandats. 

Armand VerguetAinsi, les quarante premières années du siècle sont marquées par le régne de deux maire : Vernier jusqu'en 1929 et Verguet jusqu'en 1941.

Le général Karcher, président de la délégation spéciale de 1941 à 1944 à OrgeletCe que n'acceptent que très difficilement les électeurs orgeletains, c'est qu'ils ne soient pas consultés en 1941 pour la désignation de la délégation spéciale, imposée par Vichy, composée de trois membres : Karcher, Futin, Prabel. Il ne furent pas non plus consultés en 1944 pour la mise en place d'un nouveau conseil municipal temporaire, imposé par le comité départemental de Libération. Ces quelques années pendant lesquelles le suffrage universel a été baffoué a poussé les Orgelétains à découvrir comment était administrée leur ville autrefois. Ils ont appris ainsi que Jean de Chalon, par la charte octroyée en 1266 a décidé qu'Orgelet serait administrée par quatre conseillers élus exclusivement par les bourgeois et qui constitueraient le conseil de ville, que depuis Charles Quint en 1546, Orgelet est devenue « ville à mairie » et que chaque année, les échevins (magistrats municipaux chargés d'assister le maire), les conseillers et les notables élisent à bulletin secret le maire qui est aussi lieutenant de police.

La place aux VinsLe conseil de ville siègeait alors à la tour carrée située en bas de la place au Vin. Pas pour longtemps, car l'ancienne maison seigneuriale, rue du château, qui avait appartenu à la famille Dagay est achetée par la ville en 1699 et remise en état. La grande salle est l'auditoire du bailliage, le conseil de villes siège dans une salle attenante plus petite. Dorénavant c'est toujours dans ce bâtiment que se réunira le conseil municipal.

André Jeannin
article paru dans le Progrès le 20 février 1999