Autrefois la Poste

L'Hôtel de Ville et la poste d'Orgelet au début du XXème siècleAu début du siècle, la poste occupait l'angle de la boulangerie Jouseau actuelle place Saint-Louis (place des Déportés de nos jours). Le courrier était transporté par des diligences jaunes de la maison Bon­net, avec coupé intérieur, tirées par trois chevaux. L'une venait de Lons et s'arrêtait à l'entrée d'Orgelet par­ce que là se trouvait le bâtiment où s'effectuait le changement de che­vaux.
Le conducteur jetait aux fac­teurs les sacs des dépêches qu'ils chargeaient sur leur dos et on allait les trier au bureau de poste de la place Saint-Louis. Le courrier re­partait un quart d'heure plus tard avec les nouveaux sacs de dé­pêches pris à la poste qu'il déposait à Moirans puis à Saint-Claude. A la même heure, arrivait à Orgelet le courrier venu de Saint-Claude qui portait aux divers trains partant de Lons, les dépêches du Haut- Jura. On se croirait presque encore à l'époque Louis quatorzième, quand Mme de Sévigné écrivait à sa fille Mme de Grignan et que ses épîtres mettaient très longtemps à lui par­venir.

La poste d'Orgelet (Jura)En 1910, le maire Vernier et son conseil municipal décidaient de construire un nouveau bâtiment des postes aux Prés-Catelins. De dimensions modestes, il compre­nait une unique salle au rez-de-­chaussée pour le public, le receveur et son employé et à l'étage, le logement du receveur. Cinquante ans après, les multiples fonctions de la poste, l'installation du télé­phone automatique, les besoins de clients plus nombreux devaient amener le maire Pierre Futin à étu­dier les possibilités d'agrandisse­ment des locaux, une trop lourde charge pour la commune, acceptée par la Direction départementale après des pourparlers qui durèrent quatre ans. Le 16 juin 1960, les tra­vaux pouvaient commencer à la seule condition que la cession de l'ancien bâtiment soit gratuite. Ain­si, était ajoutée une aile de forme rectangulaire, plus basse dans la­quelle s'installaient les services.

Au bureau de poste des années 30, on se souvient d'une pièce exi­guë, barrée d'une banque qui s'ou­vrait sur deux guichets où appa­raissaient des fonctionnaires logés derrière, seulement les visages chaussés de lunettes de myope et chargé d'une moustache à la gau­loise pour le receveur, austère, sans attrait pour la « préposée » qui se doit d'être de méchante humeur. Les clients faisaient timbrer leurs lettres, utilisaient le téléphone, car peu de ménages le possédaient à la maison. L'employée quittait son guichet pour parvenir jusqu'à un grand tableau plaqué au mur, per­cé d'alvéoles dans lesquelles elle enfonçait avec des gestes d'auto­mate, deux fiches. Aussitôt reten­tissait une sonnerie dans la cabine, à droite de la porte d'entrée où s'en­gouffrait la clientèle, pour une dis­cussion chronométrée.
Au guichet voisin, on pouvait acheter des timbres de toutes cou­leurs vert, bleu, cyclamen, brun, rouge, de prix différents : cinq, six, quinze, vingt centimes, traduits en langage sous, sachant que cinq centimes font un sou, mais avec toujours le même motif : la se­meuse, symbole d'une France dis­pensatrice d'idées généreuses. Et puis la poste, c'était le facteur qui en 1930 n'était pas tout à fait à l'ima­ge de celui d'aujourd'hui. Pour les gens des villages, en particulier, il était considéré comme l'homme providentiel, porteur du courrier à domicile bien sûr à pied ou à bicy­clette, mais aussi l'homme le plus attendu qui apprenait les derniers événements du chef-lieu, le confident de la plupart, réconfortant les sceptiques, encourageant les amours, prodiguant ses conseils, écrivant même les lettres des gens peu doués, car le facteur à cette époque était titulaire du certificat d'études, diplôme de grande valeur. Malgré son uniforme bleu à liseré rouge et son képi il n'avait pas l'obsession de la discipline, le respect des horaires, le culte des in­terdits, aussi, il n'hésitait pas de perdre quelques minutes pour discuter et même de s'attabler pour boire un verre. Il avait bien raison ma fois.

André Jeannin
Article paru dans "Le Progrès"

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