A l'époque des processions et des pèlerinages

Depuis très longtemps Orgelet et tous les villages du cantonProcession de la Fête-Dieu à Orgelet sont protégés par un saint patron ou une sainte patronne que l'on honorait à l'anniversaire de sa mort ou de son martyre au cours d'une fête paroissiale qui devint bien vite la fête patronale. Et on allait à cette fête, comme à un pèlerinage. Elles sont privilégiées, les paroisses qui ont conservé ces antiques et pieuses manières de célébrer une fête patronale.

Ainsi Orgelet depuis des siècles honore la vierge Marie et le 15 août, jour de l'Assomption, donc de la montée au ciel de Marie, on célèbre à la fois une fête religieuse par un pèlerinage et la fête patronale de la ville. Dans les années 30 donc était organisée une procession - genre de petit pèlerinage - qui partait de l'église par la rue des Fossés et la place au Vin, rejoignait les pentes du Mont Orgier pour faire son ascension jusqu'à la statue de la Vierge, qui sur son socle, tout au sommet, à la lisière de la forêt dominait la ville pour mieux la protéger. Ce long défilé d'hommes et de femmes avait une finalité religieuse ne serait-ce pour le confirmer la présence de prêtres et de vicaires en habits liturgiques, des enfants de choeur en robe rouge et surplis blanc, de la croix brandie à deux mains, du seau d'eau béni balancé au rythme de la marche, des chants religieux en l'honneur de la Vierge ou bien des prières récitées d'une voix monocorde, sans intonation.

Bannières de procession d'OrgeletLa pente, pour arriver à la Vierge est abrupte, parsemée d'embûches : têtes de roche acérées, pierre roulant sous les pieds, herbe et mousse glissantes... Les personnes âgées avançaient doucement, précautionneusement, ce qui ne les empêchait pas d'imiter les bigoudines qui, au cours de leur pardon, faisaient trois pas en avant et deux en arrière.

De certains points de la ville, le cortège qui s'effilochait au fur et à mesure qu'il approchait du sommet, ressemblait à une très longue et étroite banderoles avec multiples couleurs qui semblait frémir au souffle du vent. Au pied de la Vierge, après l'arrivée de tous les pèlerins on mitraillait la sainte d'hymnes et de prières et puis on resdecendait vers la ville, les plus jeunes par le sentier rocailleux pentu et dangereux, les plus âgés par le chemin forestier des Grandes Danses, en se souvenant parfois, en frissonnant qu'en ce lieu avaient lieu des fêtes orgiaques en l'honneur du dieu Bacchus.

Pèlerinage d'Onoz en 1920Mais le pèlerinage le plus renommé était celui d'Onoz. Ce petit village avait pour patron saint Benoît dont on trouve dans l'église romane le portrait sur une grande toile. On le fétait le 11 juillet, mais depuis fort longtemps un culte spécial et solennel était rendu à la Vierge dans l'église et surtout au jour de la Nativité le 8 septembre. Elle avait donc supplanté Saint Benoît et était devenue la patronne d'Onoz. Cette dévotion à Marie s'amplifia encore quand au XVIIe siècle, dans une chapelle jointe à l'église, fut exposée une statue « miraculeuse » qu'on venait vénérer chaque année le 8 septembre. Dans ce sanctuaire sera placée plus tard une copie de l'image sainte, bénie par le Pape qui, elle aussi, possédait des vertus miraculeuses. Elle sera brûlée sur la place d'Onoz par le Conventionnel Lejeune le 14 mars 1874, remplacée puis plus tard sera érigée sur une colline la statue de la Vierge qu'on honorera toujours à la même date ; et d'elle dépendra la fête patronale le premier dimanche après le 8 septembre. Dans les années 1920 à 1940 le pèlerinage d'Onoz déplaçait les foules qui croyaient que la Vierge pouvait obtenir des guérisons, conjurer des malheurs, rendre heureuses et consoler des épouses en leur permettant d'avoir des enfants, rendre la paix et le bonheur à des foyers, protéger les âmes trépassées.

Le pèlerinage d'OnozOn se rendait à ce pèlerinage à pied ou en calèche à cheval, ou plus tard en car. Et ceux qui avaient la foi grimpaient jusqu'à la statue, filles, demoiselles et dames en jupe, corsage et chapeau obligatoire, hommes endimanchés, entonnant tout au long du parcours des cantiques en l'honneur de Marie. D'autres pèlerins venaient par tradition, pour assister à un spectacle, pour dîner chez un parent, pour participer à un phénoménal pique-nique au pied de la statue. Ceux-là repartaient le cœur gai, sans l'ombre d'un souci, non pas grâce à une intervention miraculeuse de la Vierge par la vertu du bon vin qu'ils avaient bu. Le pèlerinage a toujours lieu à la même date, mais il déplace moins de monde.
 

André Jeannin
Article paru dans Le Progrès le 28 mars 1999