L'hôpital dans les années 1930

Cliché TournierA l'heure actuelle1, le tribunal ad­ministratif doit régler un différent à propos de la possession de l'hô­pital hospice. Et si la décision tar­de à venir, ce bâtiment qui a un riche passé, pourrait ne plus avoir d'avenir, trop délabré qu'il serait pour être restauré et transformé.
Mais cet hôpital n'est pas le premier construit à Orgelet. En 1292, déjà Jean de Chalon-Auxerre Ier en fait rebâtir un (donc il en existait déjà un précédemment) vu sa vétusté. Pour son entretien et son fonctionnement, il donnait « les deniers à Dieu » perçus à Arinthod et à Orgelet, les jours de foire et tous les revenus que lui percevait la vil­le pour l'abandon qu'il lui avait fait des bois de Crance. Il permit aussi de prendre dans ses forêts tout le bois de chauffage nécessaire. Quelque dix ans plus tard, ce même prince confia l'administration des  hospices d'Orgelet au maître de l'hôpital du Saint-Esprit de Besan­çon. Ce bâtiment construit en pier­re de taille de belle apparence, ne se trouvait pas encore à l'empla­cement qu'il occupe actuellement. ll était situé près de la porte de l'Or­me, au coin de la place au Vin et de la rue du Commerce. Cet hôpital « Notre-Dame » fut pendant plus de deux siècles le refuge des malades, mais il fut ruiné par le maréchal Biron, lieutenant de Henri IV. Rétabli aux frais des bourgeois, il dispa­raîtra au cours des incendies de 1637 et de 1674, provoqués par les troupes françaises.
C'est en 1716 que M. de Grammont-Chatillon, chevalier de Malte, donna une somme d'argent pour constuire un nouvel hôpital. A ce premier don s'en ajoutèrent d'autres et, en 1720, l'intendant de la Province autorise sa construc­tion, hors de la ville, en Gevin, son emplacement actuel. M. de Marnix, moine à Saint-Claude, fit com­mencer à ses frais les premières constructions et la première pierre fut posée en 1721 et l'hôpital terminé en 1743. La maison était alors desservie par trois hospitalières et plusieurs servantes. On y admettait les malades de la ville, ceux du bailliage, les soldats en garnison à Orgelet ou aux environs.

L'Hôpital dominé par le Mont-Orgier
De 1743 à 1944, l'hôpital-hos­pice avec un personnel insuffisant, mais dévoué, essaiera de prodi­guer le mieux possible les soins aux malades. Jusqu'en 1944, avec une exception pendant la Révolu­tion, des religieuses seront les gardes-malades. En 1944, l'hôpital ferme ses portes, les vieillards sont transférés à Lons-le-Saunier et le bâtiment est réquisitionné pour les enfants de la région parisienne.
En 1947, il rouvrira, mais l'appellation hôpital sera rejeté par le préfet et il deviendra uniquement une mai­son d'accueil pour les personnes âgées. Et puis, dans l'hiver 1982-83, se ferma définitivement cet éta­blissement hospitalier.

Dans les an­nées 30, seuls les parents d'un pen­sionnaire à chambre particulière fréquentaient assez fréquemment l'établissement, mais ils évitaient de passer dans les dortoirs publics où achevaient de vivre, séparées par sexe, les personnes âgées qui ne se déplaçaient plus que « du lit au fau­teuil, du fauteuil au lit et du lit au lit ». Celles qui étaient encore mi-valides s'asseyaient sur les bancs dans la grande allée, à l'ombre des arbres et regardaient les tanneurs sortir les peaux des fosses, humaient les fades senteurs du cuir et du poussec. Parfois, lors d'une fête reli­gieuse, les enfants du catéchisme rendaient visite aux malades, leur apportant quelques friandises et surtout une vision réelle de la jeu­nesse qui s'exprimait par des chants, des rires, des danses...
Il y en avait quelques-uns de ces pen­sionnaires, en bonne condition phy­sique, chargés de ramener sur une charrette à quatre roues et à timon les « commissions » de la ville, d'autres qui s'étaient recyclés jar­diniers et qui cultivaient une vaste superficie maraîchère ; d'autres, très rares tout de même, qui profi­taient de leur permission pour abu­ser des canons de vin rouge ; il y en avait un qui choisissait toujours pour faire une pause, un endroit herbeux, riche en orties, et disper­sait aux quatre vents des pièces qu'il recherchait à genoux, en mar­monnant des injures adressées on ne sait à qui ; il y en avait un autre baptisé le général parce qu'il s'ha­billait en militaire, calot sur la tête, les manches bardées de faux ga­lons, la veste encombrée de fausses décorations qui disciplinait !! la cir­culation sur la place au Vin ou se tenait au garde à vous pendant la durée entière d'une commémora­tion d'armistice ; il y en avait... mais qu'importe, les personnages ont disparu... comme disparaîtra d'ici peu le bâtiment.

André Jeannin
Article paru dans "le Progrès" le 7/12/1998

1 note du webmaster : à la fin des année 1990, période où est paru cet article, un procès opposait la municipalité d'Orgelet à un particulier pour le rachat de ce bâtiment.