Du pipeau des collégiens au clairon des petits pompiers

A l'opposé du piano, instrument noble en cette période des années 1930, qui trône dans le salon des familles aisées, le pipeau - on ne l'appelait pas flûte - fit son apparition. Il avait pour lui d'être léger, peu encombrant, pas onéreux ; il exigeait peu de connaissances du solfège, plutôt un agile réflexe pour avec les doigts boucher les trous qu'il fallait pour obtenir la note recherchée.

Alors au collège le directeur M. Pegeot eut l'audacieuse idée de constituer un orchestre pipeaux avec des élèves volontaires. Après moult répétitions, un concert fut donné à la salle de la chapelle qui servait de théâtre et les élèves musiciens s'en tirèrent bien très applaudis par un nombreux public, sans avoir fait miauler les « do » du bas et imiter la sirène avec les « ré » supérieurs... et même ils avaient réussi à faire reconnaître par le public « L'hymne des temps futurs ». Malheureusement, la passion de la musique n'était pas dans le coeur des joueurs et puis répétitions et spectacles causaient trop de tourments aux professeurs, car l'orchestre était mixte et au collège, à cette époque, on interdisait formellement les « rapprochements » filles et garçons alors que l'orchestre pipeaux connut une existence très éphémère.

Cette tentative ratée de faire apprendre le solfège aux jeunes Orgeletains et de les persuader de jouer d'un instrument ne découragea pas cependant les responsables de la fanfare municipale qui avait besoin de renouvellement et qui lancèrent l'idée d'une promotion des jeunes. Alors quelques uns se mirent à fréquenter une école (le terme est un peu prétentieux) de solfège avec pour professeur bénévole M. Girard, chef de la fanfare. Il laissa le choix de l'instrument aux élèves et à cette période la préférence allait à l'accordéon, ce qui n'était pas l'instrument adéquat pour une harmonie.

A peu près à la même époque d'autres apprirent à jouer par routine c'est-à-dire sans être capable de déchiffrer un morceau par ses notes. Ils avaient de I' « oreille » comme on disait et il suffisait qu'ils aient entendu plusieurs fois l'air pour le jouer sur leur accordéon. Ils agissaient par réflexe, appuyant sur la bonne touche comme une dactylo qui, inconsciemment, frappe sur le bon clavier de sa machine à écrire.

Quelques années plus tard, nouvelle tentative de recrutement. Etienne Tournier, chef de musique et qui possède la pédagogie de l'enseignant donne les premières notions de solfège, Abel Sorlin apprend à jouer de la trompette et du piston et Jean Courbet du saxophone... C'est le succès, quelques jeunes doués et passionnés deviendront de bons musiciens et grossiront les rangs de la fanfare qui deviendra une Harmonie municipale de qualité mais qui disparaitra en 1985 seulement à cause du « trop faible nombre de musiciens résidant à Orgelet ». L'actif financier de la fanfare était remis à la clique des sapeurs-pompiers qui continuait l'activité musicale d'Orgelet...

La clique des sapeurs Pompiers d'Orgelet (Jura) à la fin des années 1950Cette clique des sapeurs-pompiers a remplacé après guerre celle de la société sportive créée par Albin Farinetti. Et de suite, s'est posé le problème du recrutement des jeunes cliquarts, résolu rapidement par une idée géniale : la constitution d'un corps de petits pompiers dont la marraine fut Mme Yvonne Daloz, l'épouse du capitaine de la compagnie. Et ces très jeunes pompiers qui défilaient avec leurs aînés, en costume d'apparat, ont été sollicités pour apprendre à sonner du clairon, de la trompette et battre du tambour. Ils sont allés nombreux aux répétitions à la Grenette où les frères Crolet - René et Marcel - étaient les professeurs du tambour et Jean Michaud et Jean Grellet ceux des cuivres à la mairie. Que de patience il leur a fallu à ces bénévoles, mais ils ont réussi puisque à chaque manifestation officielle où sont présents les pompiers de nouveaux et très jeunes musiciens apparaissent dans les rangs de la clique devenue avec l'apport d'autres instruments « la batterie-fanfare ».

André Jeannin
Article paru dans Le Progrès le 26 janvier 1997
 

Sur la photo :
Accroupis 1er rang de gauche à droite
Alain MOLARD – Pierre MENAIN – Luc RAMEAU – Michel BOUILLER – CROLET (frère de Roland, de SEZERIA) – Roland GRELLET – Jacky CROLET – Max RAMEAU – MICHAUD dit You, frère de Pillou – Mario SCHIAVONE.

1er rang , de gauche à droite
Marcel CROLET dit Basset – Michel PERCIOT – BARUFALDI … - Gilles PETITJEAN – Jean-Claude MIDOL – JP CROLET (frère de Jacky) – Roland GRELLET – Joël DAL GOBBO – Claude GRELLET .

2è rang, de gauche à droite
Jean-Claude PERCIOT – Jeannot BUFFARD – Jacky MAGONI – Daniel JACQUAND – Robert BESOZZI – Sigmund ZABKIEVICH – Jacky MICHAUD – Jean SALVI – Jean MICHAUD dit Tocno.