A l'époque des premiers balbutiements de la laïcité

Entrée de l'école maternelle dans l'ancien couvent des Bernardines.Les écoles de garçons et de filles enfin logées dans l'ancien couvernt des Bernardines mais séparées tout de même par un haut mur et avec des entrées différentes, avec des couloirs obscurs parce que les ouvertures qui perçaient sur une cour intérieure de l'école de garçons avaient été obstruées aux trois-quarts pour que ne pussent s'y égarer les regards féminins, des écoles de garçons et de filles où enseignaient des instituteurs et institutrices laïcs payés par l'Etat : cette nouvelle structure de l'école publique a donc demandé moins de travail et causé moins de tracas aux maires et aux conseillers municipaux. Les délibérations perdent de leur intérêt au point de vue scolaire puisqu'on n'y relève au point de vue scolaire que des chapitres chauffage des classes et installations des nouveaux maîtres ponctués parfois par une bonne nouvelle comme la création d'une 3e classe à l'école de garçons ou de désagréables comme en 1907 sur proposition du maire Vermer et approuvée à l'unanimité la décision de supprimer les prix décernés sous forme de récompenses aux élèves des écoles publiques.

A la même époque et pour le même motif d'économie, la suppression de la gratification municipale attribuée aux enseignants titulaires du brevet supérieur. Les conseillers d'alors étaient avares des deniers de la commune. Pas étonnant alors qu'ils aient refusé d'associer la commune à une souscription nationale pour élever un monument à Victor Duruy (ministre de l'Instruction publique de Napoléon III) et à Victor Hugo en 1897 faute de ressources et à Gambetta en 1899 pour la même raison.

Si les classes primaires de garçons et de filles ne posent pas trop de problèmes, il n'en est pas de même pour la classe enfantine tenue jusqu'en 1890 par les sœurs de la Congrégation de la Sainte-Famille. En 1891 déjà peu après leur départ le maire se plaint des dépenses occasionnées par le traitement de la directrice, charge d'autant plus lourde qu'elle est aggravée par le traitement d'une femme de charge. Un traitement que la commune ne supportait pas avant la laïcisation de son école. Un appel est lancé au préfet pour qu'il intervienne auprès du ministre de l'Instruction publique.Ecole confessionnelle au couvent  d'Orgelet en 1931

Surgit aussi une complication quand la classe enfantine devenue classe maternelle en 1892 ne devra recevoir d'après les textes que les enfants âgés de 4 à 7 ans... l'école enfantine les acceptait de 2 à 6 ans. Réaction immédiate des élus «considérant que l'agriculture est la principale richesse des habitants d'Orgelet et que les enfants seraient totalement délaissés par leurs parents pendant le temps des travaux de la campagne, considérant d'autre part qu'une école congrégariste libre fonctionne à Orgelet où sont admis les enfants dès l'âge de 2 ans, que ce serait à bref délai la désertion complète de l'école laïque... demande à ce qu'il ne soit rien changé, c'est-à-dire que les enfants soient reçus de 2 à 6 ans...». Mieux en 1895, les parents obtiendront que ces enfants soient gardés jusqu'à 19 heures moyennant une indemnité de 50 francs allouée à la directrice.

Le cours complémentaire d'Orgelet en 1947Toujours à la même époque, un cours complémentaire a été annexé à l'école primaire de garçons. Supprimé le 1er novembre 1889 sur décision du conseil municipal, faute d'effectifs, il réapparaîtra en 1896 avec pour directeur M. Michelin, professeur unique polyvalent qui, doté d'une seule salle dirigera les grands élèves surtout vers les métiers des Ponts et Chaussées. Et le cours complémentaire vivotera avec la même structure, jusqu'en 1932 où l'on y admettra les filles, d'où la nécessité en 1937-38 de créer une seconde classe et de nommer un second enseignant... Les effectifs augmentant sans cesse, les élèves des cantons d'Arinthod et de Saint-Julien venant à Orgelet, le cours complémentaire prit vite juste avant guerre une grande extension, fut doté d'autres classes, d'autres enseignants et d'un internat très peuplé. Alors on était loin tout de même du collège présenté dans le sonnet d'un ancien élève Camuset au milieu du siècle dernier :

L'affreux petit collège où l'on dut m'interner
Ressemblait en hiver à ce cercle de Dante
Où dans la glace on voit les gens se démener.
L'économe était d'une avarice impudente.
Près d'un poêle mourant , la classe grelottante.
Se morfondait, tuant le temps à griffonner.
Et quatre fois par jour, descendant piétiner
Un préau ténébreux, lac de neige fondante.
Sur nos doigts crevassés, sur nos mentons bleuis
L'engelure empourprée incrustait ses rubis.
Et nos pied enrageaient, dévorés de brûlures.
C'était dur! Et pourtant j'aime ce souvenir.
Enfant, j'ignorais des soucis à venir
O jeunesse revient! Revenez engelures!

ANDRÉ JEANNIN
Article paru dans le Progrès le 16 février 1997