Quand on jouait à la lyonnaise

Pour le moment le club bouliste orgeletain est en léthargie et il faut espérer qu'il sortira un jour de son prochain sommeil. Pendant une cinquantaine d'années, il a été une des associations les plus actives de la localité et assurément la plus représentative pour avoir défendu plusieurs fois les couleurs du département (ce que n'ont jamais réussi d'autres sociétés) dans les championnats de France seniors et jeunes.

C'est en 1932 que naît le club bouliste... On pratiquait déjà le jeu de boules - on ne disait pas encore sport boules - à Saint-Claude et Lons-le-Saunier mais on l'ignorait à Orgelet. L'apôtre fut Albin Farinetti, le pâtissier-confiseur qui se rendait régulièrement aux marchés sanclaudiens. Au milieu de l'après-midi, la vente terminée, il partait faire un tour au boulodrome, puis évidemment il lança quelques boules. Intéressé et doué, il décida donc d'initier quelques amis orgeletains à cette activité.

Rapidement un noyau se forma comprenant deux maçons italiens Mira et Pomi qui avaient déjà quelques notions, puis des Orgeletains apprentis et se constitua alors une société dont le premier président fut M. Auguste Daloz, contremaître aux Tanneries. Le manque de jeux constituait un lourd handicap : un seul existait là où plus tard fut implanté un jeu de quilles. Heureusement derrière l'atelier de Paul Sattonnay, membre du bureau de la société s'étendait un champ dont il était propriétaire. Les arguments de ses amis boulistes le convainquirent et il créa le premier boulodrome de quatre jeux, parfaitement tracés et nivelés, ombrages de marronniers, où se réunissaient chaque samedi et chaque dimanche les amateurs de la « lyonnaise ».

En 1934, le club adhère à la FFB et reçoit les premières licences officielles du comité départemental qui pemettront à une quadrette composée de Regard, Mira, Pomi et Mouret G. de disputer sans succès un premier concours à Pont-de-Poitte. On continuera à participer aux compétitions et viendront les première parties gagnées quand s'incorporeront au quatuor Auguste Hugues, Albin Farinetti, Hubert Girod, ces deux derniers déplaçant les quadrettes dans leur auto.

Les progrès continuèrent et l'année avant la guerre ce fut l'apothéose avec la participation de l'équipe orgeletaine, tard dans la nuit, à la finale du grand concours de Lons. Les gens sortaient du cinéma et parmi eux Robert Gerdil, patron tanneur orgeletain, qui enthousiasmé de voir ces sportifs qu'il connaissait bien à ce stade, de la compétition devint, jusqu'à sa mort, le président d'honneur de la société et son sponsor généreux.

Debout, l'équipe championne du Jura honneur en 1964 : de gauche à droite, A. Jeannin. M. Pochard, M. Mouret, A. PerruchonOn continuait à s'entraîner au boulodrome du Café des sports, un essai de jeux sur la promenade de l'Orme contre les hauts murs du couvent avait été éphémère. Et pourtant, dans les années 41-42-43 les quadrettes locales remportaient des succès surtout après l'arrivée de travailleurs de la SACER : Karl excellent tireur et Albert Collomb, joueur complet. Et puis des jeunes commencèrent à affirmer une valeur évidente, des fils de boulistes, puis leurs camarades... Si certains abandonnèrent trop vite, privilégiant le football, quelques-uns persévérèrent et l'adresse au tir de l'un, la régularité au point de l'autre les firent intégrer dans la quadrette des anciens, puis disputer ensemble les concours de doublettes où André Jeannin et Maurice Mouret remportèrent de nombreux succès.

L'arrivée à Orgelet des frères Pochard, la construction d'un boulodrome après guerre à l'Hôtel de la Valouse, l'entraînement intensif sur ce boulodrome de l'élite des boulistes locaux, la venue en vacances à l'Hôtel de touristes lyonnais pétris de qualité qui disputaient chaque jour des parties mémorables devaient porter le club bouliste à son apogée avec de nombreuses participations au championnat de France UFOLEP (Bourg, Bort-les-Orgues, Châteauroux) et surtout en 1964, ce pour la première fois de titre rie champion du Jura honneur pour la quadrette composée de A. Jeannin. M. Pochard, Adrien Perruchon (un transfuge de Draguignan venu pour les problèmes d'indemnisation des terrains noyés par le barrage de Vouglans) et Maurice Mouret.

Puisse la construction d'un boulodrome couvert faire revivre ce sport qui n'aurait jamais du péricliter.

Article d'André Jeannin
paru dans Le Progrès le 7 avril 1996