La naissance difficile du petit train

Le 9 mars 1946 marque la fin du réseau ferroviaire Lons-Orgelet-Arinthod et le petit train disparaîtra à jamais de l'horizon des Orgeletains après une cinquantaine d'années de «bons services». Et pourtant dieu que sa naissance fut difficile.

Arrivée de la diligence à OrgeletAu milieu du XIXè siècle, on pouvait gagner Lons en voitures tirées par des chevaux. Il existait alors deux services. L'un partait d'Orgelet à 7 heures de la place au Vin et quittait Lons le soir de la rue Lafayette. A son retour au bas des monts de Revigny, les hommes quittaient le véhicule pour l'alléger et ils empruntaient le vieux chemin. Arrivés à l'auberge du «Retour de la chasse», ils se désaltéraient en attendant l'arrivée de la voiture que les chevaux avaient fait gravir difficilement la pente. Le second service était celui du courrier. Une grosse diligence tirée par trois chevaux transportait les sacs jetés devant le bureau de poste, place Saint-Louis (aujourd'hui place des Déportés). Puis elle repartait pour Moirans et Saint-Claude. Elle mettra sept heures et demie à huit heures pour accomplir le trajet Lons - Saint-Claude, mais le voyage est peu onéreux, il n'en coûte que vingt sous aux Orgeletains pour se rendre à Lons-le-Saunier et puis on a le temps d'admirer le paysage.

Viaduc dans les monts de RevignyLes premières études concernant les voies ferrées secondaires dans le département du Jura furent examinées à la session du conseil général du mois d'août 1875. Le conseiller du canton d'Orgelet se fit le porte-parole de ses concitoyens. Il pouvait s'appuyer sur la délibération du conseil municipal du 18 mai qui constatait que «la ligne par Pont-de-Poitte éloigne trop Orgelet de Lons-le-Saunier et que l'embranchement par Nogna, Marnezia, Dompierre est beaucoup plus court, que de l'avis de chacun il dessert mieux les intérêts d'Orgelet»... L'affaire restera en sommeil sous le prétexte de «peu de disponibilités du département».

Ce n'est que le 13 août 1882, sept ans après, que le conseil municipal s'insurge «Le délaissement auquel nous souffrons nous fait un devoir de réclamer pour les populations d'Orgelet et d'Arinthod les avantages que produisent les voies ferrées. Ce sera un acte de justice que nous attendons avec confiance du gouvernement de la République». Cet acte de justice tarde toujours à se concrétiser même si en novembre 1882, il est rappelé là nécessité d'une ligne Publy-Cize qui desservira les nombreuses localités éparses : Orgelet, Arinthod, Thoirette. Enfin, le 15 janvier 1890 le maire donnera lecture de l'arrêté ministériel qui ordonne l'avantprojet de la ligne de tramway Orgelet-Arinthod.Le trains arrive en gare d'Orgelet, et passe devant la poste
«Le conseil considérant que cette ligne de tramway ne peut que favoriser le commerce et l'industrie du canton par le transport plus rapide et à meilleur compte des marchandises, considérant que l'agriculture surtout bénéficiera énormément de la ligne projetée par de plus nombreuses transactions sur le bétail ainsi que sur les productions du canton agricole, constatant l'adhésion presque unanime de ce canton - 1100 signatures recueillis à ce sujet - donne un avis favorable et demande que les travaux d'exécution soient entrepris dans le plus bref délai possible».

L'espoir est dans les coeurs, mais vive déception quand on apprend que le député Reybert de l'arrondissement de Saint-Claude veut privilégier son arrondissement en réclamant la construction d'une ligne Verges à Molinges et que le conseil général qui avait donné son accord pour un tramway sur Orgelet épouse alors l'idée de Reybert. (à suivre)

Sources : registres délibérations du conseil municipal et bulletin paroissial.

ANDRÉ JEANNIN
Article paru dans le Progrès du 8/12/1996