Cadet Roussel, la nouvelle coqueluche des Orgeletains

Le Cadet Roussel de la boulangerieDepuis quelques années les Orgeletains se sont amourachés de Cadet Roussel ce personnage farfelu révélé par la chanson de son ami Chenu qui se moque gentiment de lui à cau­se de ses excentricités. Cette chanson, née en 1792 sur l'air de Jean Nivelle ne devait pas dépasser les limites de la locali­té d'Auxerre où vivait alors l'huissier Cadet Roussel mais les volontaires de cette ville la chan­tent à l'armée et les soldats l'adoptent avec tant d'enthou­siasme qu'elle devient le chant de guerre de l'armée du nord.
Ainsi Cadet Roussel doit sa renommée à cette chanson, or dans les premières années du siècle, les Orgeletains ne s'intéressaient nullement à l'homme et ne savaient de lui que la défi­nition du dictionnaire Larousse, «homme niais» définition fort erronée d'ailleurs.

Et voilà que depuis une di­zaine d'années environ Cadet Roussel est devenu la coqueluche des Orgeletains et s'ils ne fredonnent pas plus que les autres l'air de sa chanson, ils re­vendiquent avec fierté sa nais­sance dans leur cité. Acte de naissance de Cadet RousselPas de dou­te l'acte d'état civil en mairie d'Orgelet le confirme : «Le 30 avril 1743 est né Guillaume-Jo­seph Roussel, fils de Jean-Baptiste et de Marie Pierrotte Gi­rard». Il fut baptisé le même jour et surnommé rapidement Cadet, parce que second enfant de la fa­mille. Il avait de fortes attaches locales puisque on oncle pater­nel était «bourgeois d'Orgelet» et sa tante maternelle avait épou­sé un huissier au bailliage de la ville. On apprit aussi que son père, tanneur de profession - la tannerie était à cette époque la principale activité économique de la cité - devint ensuite cava­lier de la maréchaussée et qu'il logeait au début de la rue de la Tisserie. Dommage que l'on ne sache rien sur son enfance et son adolescence dans la locali­té. On voudrait tant qu'il ait joué à la petite guerre avec ses camarades sur les pentes du Mont­ Orgier ou fréquenté le collège qui existait déjà à l'époque. Ce qui est certain c'est qu'il quitte­ra sa ville de naissance pour se rendre à Auxerre à l'âge de 19 ans à la mort de son père.

Le Cadet Roussel du panneau publicitaireBeaucoup d'ombre donc dans l'existence orgeletaine de Cadet qu'on oublie et qui res­suscite soudain. Son nom est partout dans la ville : sur un four­gon des pompiers, sur une plaque d'une des rues ; il se ba­lance sur des guirlandes aux en­trées de la ville ; il est chanté en mairie quand on attend son cor­respondant au téléphone, il dé­core la façade et la devanture d'une boulangerie locale ; il s'af­fiche aussi sur un panneau pu­blicitaire pour clamer la qualité de trois - évidemment - fro­mages ; il donne son nom aux soirées animées des vendredis estivaux... et bientôt il faut l'es­pérer il sera le support d'une grande fête folklorique orgele­taine.

Cadet Roussel a trois habitsOui, mais voilà, quel était l'aspect physique de Cadet Rous­sel ? Son excentricité bien sûr a guidé l'imagination des artistes qui n'ont réalisé que des carica­tures. Ainsi le Cadet Roussel de l'imagerie d'Epinal n'est qu'un «Incroyable» du Directoire ou un «Muscadin» d'après la Terreur : visage ingrat, accoutrement co­loré et ridicule, attributs stupides. Celui des panneaux publicitaires des trois fromages, un bon pay­san moustachu au gros nez, le pantalon noir tenu par de grosses bretelles rouges porte à rire. Le plus réussi est certai­nement celui de la boulangerie un jeune homme élégant en ja­quette bleu-roi et pantalon ser­ré dans des jambières bleues et blanches, chapeau et foulard blanc sont du plus bel effet.
Qu'importe après tout com­me on présente Cadet Roussel, chaque Orgeletain l'imagine à sa façon.

André Jeannin
Article paru dans le Progrès