Depuis 1923, le football a perduré
L'Union Sportive Orgelétaine dispose d'un contingent très important de jeunes footballeurs qui constituent des équipes - débutants, poussins, benjamins, moins de 15 ans, participant à des championnats. Tous peuvent compter sur des entraîneurs compétents qui, bénévolement le mercredi après-midi, s'efforcent de leur inculquer une technique footballistique et de leur faire réaliser des progrès.
En 1923 quand naquit le Football-club orgeletain et pendant de nombreuses années, il n'existait qu'une seule équipe locale formée de seniors bien évidemment, et qui ne mit pas longtemps pour briller sur les terrains francs-comtois. Ce qu'on peut se demander, c'est comment ce sport a-t-il pu perdurer et comment les gamins, puis les adolescents ont-ils été attirés par ce sport et réalisé suffisamment de progrès pour faire partie un peu plus tard de l'équipe senior. Faut-il croire comme certains l'affirment que les aptitudes du jeune futur footballeur se sont révélées sur le chemin de l'école, en shootant dans un caillou qui traînait là ou dans une vieille boîte de conserve ! Plus plausible l'influence du quartier.
A Orgelet dans les années 1930, les enragés jeunes footballeurs étaient originaires du Bourg-de-Merlia, dans la place au Vin et du Faubourg. Dans le premier quartier, les matches avaient lieu par n'importe quel temps sous le Portail, sur cinq mètres sur trois de route goudronnée. Une vingtaine de balles en mousse subissait les multiples assauts de pieds maladroits, parfois même chaussés de sabots, qui s'égaraient très souvent sur d'innocentes chevilles d'adversaires. Ces matches ont baissé d'intensité quand certains gamins d'origine « bourg-merliatonne » ont changé de quartier, alors c'est la rue de la Glacière ou de l'Ancien Collège au bas de la place au Vin qui a eu le monopole du football. Une haute porte de garage à une extrémité, des habits posés au sol de l'autre figuraient les buts ; une rue goudronnée en porte bordée d'un trottoir, limitée par une murette d'un côté et par la façade d'une maison bourgeoise de l'autre, constituait le terrain.
Les rencontres de gosses de quartier le jeudi ou les soirs après l'école étaient épiques. Chaque joueur se chaussait d'une vieille paire de godasses car, pas question de garder aux pieds les souliers habituels, car les mères avaient constaté l'usure trop rapide des semelles. Ces rencontres avaient leurs kamikazes, en particulier des gardiens de but qui n'hésitaient pas à plonger sur le bitume dans les jambes des attaquants et qui se relevaient, les bras couverts de sang comme si l'épiderme avait été passé dans une râpe à fromage ; il y avait aussi des gamins « culottés » qui n'hésitaient pas à se hisser sur le balcon du notaire pour récupérer avant lui le ballon expédié par un pied maladroit.
Les gamins du Faubourg, eux, étaient privilégiés car ils disposaient comme terrain de jeu du champ de foire, vaste, plat, bien limité riche de belle herbe et d'ombres. Ce champ de foire accueillait aussi tous les scolaires qui, à la sortie de l'école primaire à 11 heures, apprenant avec joie qu'il n'y avait pas de « caté » profitaient de l'aubaine pour disputer une rencontre endiablée qui prenait fin quand sonnaient au clocher les quatre coups de midi moins le quart, de façon que la sueur qui piquait les yeux, l'écarlate qui teintait le visage aient disparu quand on rentrerait à la maison pour le repas, sinon les parents auraient pu avoir quelque soupçon sur le programme de leur fils, cette dernière heure.
Avec la plupart des footballeurs qui composeront l'équipe 1" et la réserve à l'âge de 17-18 ans se sont formés tout seuls, à l'exception cependant de ceux qui ont fréquenté le cours complémentaire pendant les années de guerre et qui ont eu la chance d'avoir, en leur professeur, M. Camille Curtil, décédé récemment, un grand sportif amoureux du football. Chaque jeudi après-midi, il prenait sur ses loisirs pour entraîner l'équipe du C.C. C'est lui aussi qui avait eu l'idée de conclure des matches avec d'autres collèges, en particulier avec Saint-Amour. M. Curtil avait su si bien communiquer cette passion du foot que ses élèves avaient réussi à se faire offrir progressivement par leurs parents une tenue complète de la même couleur et des chaussures de football.
Alors, quand ceux des équipes d'avant-guerre ont été atteints par la limite d'âge, le réservoir « jeunes » était très riche. Encadrée par d'anciens footballeurs, les « Zizi », « Le Nain », « Milo », « Trompette », cette nouvelle génération a répondu favorablement aux espoirs que les dirigeants avaient mis en eux.
André Jeannin
Article paru dans Le Progrès le 9 avril 2000