Souvenirs des écoles de jadis
Toute une génération d'Orgeletains - filles et garçons - ont fréquenté les écoles maternelle, primaires, voire même pour certains le cours complémentaire dans les salles de l'ancien couvent des Bernardines. C'est le Consulat qui, en 1803, autorisa la ville à établir une école secondaire dans les locaux du couvent devenu maison nationale. En 1810, l'instituteur Letievant qui est responsable de l'enseignement primaire au local de l'ancien collège (maison Prost) rejoint l'école secondaire aux Bernardines. En 1813, plusieurs décrets impériaux décident qu'il n'y aurait plus qu'une école secondaire ecclésiastique par département et ce fut Orgelet. Elle prit donc une grande importance. En 1825 une ordonnance royale de Louis XVIII mit à la disposition de l'évêque le bâtiment des Bernardines pour y établir un séminaire en attendant qu'il soit transféré à Lons-le-Saunier trois ans plus tard.
Dès 1840 le bâtiment est voué à l'enseignement, pourtant l'école communale des « Frères de Marie » fonctionnera dans la grande maison Babey (aujourd'hui la perception) mais ne survivra pas à la Seconde République de 1848. Au séminaire va succéder dans le bâtiment une école supérieure qui donnera instruction et éducation aux jeunes gens d'Orgelet et des localités voisines. Et puis après les lois Ferry (1881-84) les Bernardines seront occupées par une école primaire à plusieurs classes, puis par un cours complémentaire où enseigneront des maîtres laïcs payés par l'État.
En ce qui concerne l'instruction des filles, elle incombera vers 1850 aux religieuses Ursulines installées dans la maison Cordier (le couvent). On compte à cette époque 25 élèves externes et 6 pensionnaires qui appartiennent à la classe aisée. Et puis en même temps, les religieuses de la Sainte Famille utilisant les locaux de l'ancien collège (maison Prost) donnent éducation et enseignement à la majorité des filles de la ville. L'école de filles avec des institutrices laïques va finalement venir occuper l'ancien monastère des Bernardines à côté de l'école des garçons.
En compulsant alors les registres des délibérations municipales, on constate alors que l'enseignement va causer bien des soucis au maire et conseillers pendant la période 1850-1914. On y trouve d'abord des renseignements qui paraissent à première vue de peu d'importance et pourtant... Ainsi, la ville doit alimenter en bois les fourneaux des écoles, les hivers sont très rigoureux : 61 stères sont fournis répartis comme suit : 26 pour l'école des garçons, 16 pour celle des filles, 14 pour celle dite « enfantine », 5 pour celle du hameau de Merlia (cette classe ne sera supprimée qu'en 1921-22). Cette attribution de bois ne variera presque pas pendant une trentaine d'années atteignant une quantité maximale de 63 stères (on mesure en stères et non pas en cordes).
Plus important tout de même pour les conseillers de fixer chaque année, et jusqu'aux lois de Jules Ferry, le traitement des enseignants. Le 15 février 1867 par délibération, il est alloué 1000 francs par an à l'instituteur directeur, 500 francs à l'adjoint, 180 francs au chargé d'école à Merlia et 1200 francs à l'institutrice des filles qui s'occupe aussi des petits. Il faut savoir qu'à la même époque le salaire d'un ouvrier varie de 3 à 5 francs par jour, celui d'une ouvrière de 1,93 à 2,50 francs par jour.
Quelquefois et même après la laïcisation, les conseillers municipaux testent la capacité des enseignants, bien qu'ils ne soient pas tous aptes à juger de leur valeur pédagogique. Ainsi M. Michelin, directeur, recevra une gratification de 100 francs au cours de l'année 1885 et cette somme sera souvent renouvelée pour le même homme. Ce qu'il est intéressant de constater aussi c'est que les élus sont toujours à la recherche de ce qui peut avantager les élèves dans leurs études, d'abord en acceptant certaines propositions du préfet et en les réalisant. Ainsi le 18 mai 1867 la création d'un concours entre les élèves des écoles communales. « Le conseil, considérant que cette mesure a pour but de créer dans les écoles publiques une émulation profitable à l'enseignement primaire, vote une somme de 5 francs pour aider à pourvoir aux frais de création de ce concours et aux distributions de récompenses aux lauréats. »
André Jeannin
Article paru dans Le Progrès le 12 avril 1997