En parcourant l'Echo paroissial

Dans les premières décénnies du XXe siècle, les Orgeletains achetaient les journaux pour s'informer des événements qu'ils soient internationaux, nationaux ou locaux, mais aussi parce que certains quotidiens faisaient paraître chaque jour un feuilleton. Il satisfaisait la soif de lire et une population qui ne pouvait se permettre d'acheter comme de nos jours, un livre quand elle le désirait et qui ne disposait pas de la télévision. Chaque jour, le feuilleton était détaché du journal après avoir été lu par toute la famille et les feuillets étaient reliés par des épingles et ainsi rassemblés avaient l'apparence d'un livre sans couverture qui était prêté à tous les gens du quartier. Actuellement, de nombreux quotidiens publient encore des feuilletons, mais dans la population ils n'ont plus l'impact qu'ils avaient il y a quatre-vingt ans.

Almanach Vermot 1930Pour se divertir, plus que pour augmenter leurs connaissances, les Orgeletains achetaient l'Almanach Vermot, qui paraît d'ailleurs encore. C'était pour rire de ses histoires drôles, de ses récits rocambolesques, de ses dessins humoristiques et l'on passait des heures à regarder dans les premières pages la photographie d'identité de tous les ministres, députés et sénateurs avec précision de leur âge, de leur département d'élection, de leur parti politique. Certains Orgeletains se faisaient une gloire de se rappeler tous ces détails et l'on évoque encore maintenant le défi réussi par l'un d'eux de ne commettre aucune erreur sur tous les renseignements donnés sur l'élu. Et il y a encore beaucoup d'Orgeletains qui mettront un nom sur cet homme à la mémoire prodigieuse.

On lisait aussi au début du XXe siècle une petite brochure de quelques pages appelée « la Gazette » qui faisait penser aux pamphlets de l'Ancien Temps, d'abord parce que ses auteurs restaient souvent anonymes, par-ce qu'on ignorait la façon dont ils reproduisaient leur texte en multiples exemplaires, placés notamment dans les boîtes aux lettres, enfin parce qu'ils essayaient de faire preuve d'un humour, plus près du sarcasme que de l'ironie. Ainsi par exemple qui n'a pas entendu un aïeul raconter que la Gazette avait écrit « qu'une vieille demoiselle dont la fenêtre de l'appartement donnait sur la grande salle de la mairie fixait pendant des heures les conscrits qui passaient l'examen médical du conseil de Révision ». Lecteurs n'insistez pas... vous ne saurez pas son nom !!

Enfin apparut le Bulletin paroissial. C'est un petit recueil de 21 cm sur 18,5 cm de 16 pages avec une couverture qui change de couleur rose, blanche ou violette, suivant les années. Revue mensuelle, la première page est illustrée d'une photo de l'église d'Orgelet ou du tableau d'une scène religieuse ou du portrait de la Vierge avec bien souvent une bande en hauteur coupée par un médaillon sur lequel figure un semeur jetant « la moisson future avec sillons » alors qu'à l'orée du champ l'église et son clocher étincelant au soleil. Tout un symbole ! Quand parut le premier Bulletin paroissial ? Difficile à savoir. L'abbé Clément en est-il le créateur ? En tout cas la table des bulletins réalisés par le prêtre commence en 1911 aux numéros 11 et 12 (novembre, décembre) qui traitent du même sujet : « La Chapelle des artisans au château » ? Peu de personnes à Orgelet possèdent la collection complète qui s'est terminée à la Déclaration de Guerre de septembre 1939 année qui coïncide d'ailleurs avec la mort du curé O. Clément devenu Chanoine qui a donné son nom à une rue d'Orgelet.

Que découvre-t-on en feuilletant l'Echo paroissial ? Ce qui plaisait le plus aux lecteurs c'était tout ce qui était en rapport avec la vie locale : d'abord les statistiques religieuses : baptêmes, mariages, sépultures, dates et horaires des messes, fêtes religieuses, offrandes du pain bénit, classement des enfants fréquentant le catéchisme, ensuite les principaux événements Orgeletains contemporains de l'Abbé : citons pour exemple : « A travers les rues d'Orgelet en 1916 ; les Trois Epis » et très antérieurs « Un pendu à Orgelet en 1766 ; Passage de Mandrin ». Enfin des articles de fond en relation avec la religion « La vocation sacerdotale ». Pourquoi faut-il prier ? et puis aussi des réquisitoires tels qu'aujourd'hui : « j'accuse la pornographie et les pornographes», « Priez » l'Echo paroissial le demande, mais il faut prendre du bon temps parfois, alors paraissent des histoires drôles qu'on peut raconter sans rougir à un repas de première communion » et puis des recettes publicitaires qui font sourire maintenant pour combattre les varices, la coqueluche et d'autres maladies. Il est parfois des textes écrits par des ecclésiastiques locaux qui choquent le lecteur. Il est vrai qu'en 1905, les lois anticléricales de Contes avaient exacerbé les passions. Et l'on ne se faisait pas de cadeaux comme en témoignent les écrits du Bulletin paroissial sorte de « déclaration de guerre » contre la municipalité orgeletaine qui interdit les processions et l'école laïque appelée l'école de Satan.

Et puis le calme revint de nos jours. L'Echo paroissial fait partie du patrimoine intellectuel.

André Jeannin
Article paru dans "Le Progrès", le 22 décembre 2002