Au temps où les quinzaines commerciales faisaient rêver !

II n' y a pas tellement longtemps quand décembre sans neige basculait vers Noël, Orgelet se transformait en ville de contes de Mille et une nuits. Les rues se paraient de guirlandes de lampes multicolores. Les sapins étincelaient de mille feux sur le perron des portes. Les vitrines des magasins participaient à la féérie par leur clarté et leur décor artistique, si bien que les gens quittaient la douce quiétude de leur intérieur pour muser dans la ville et l'admirer.

Cadet Roussel, le patron de la qunizaine comemrcialeEt puis il y avait la magie des quinzaines dues à l'entente parfaite de tous les commerçants groupés en une Union. Le premier président fut Albert Collomb, le premier trésorier Jacques Masini. Tout avait été particulièrement étudié dans la salle à manger de l'hôtel de la Valouse : la collaboration avec la caisse locale du Crédit agricole qui prenait en charge l'imprimerie de billets ; la participation financière des commerçants, le montant de l'achat minimum qui donnait droit à un billet, la liste des prix, leur tirage officielle à la salle de la Grenette au cours d'un loto fastueux.

Ces opérations commerciales provoquaient un tel engouement qu'un commerçant local avouait « qu'il régnait une activité incroyable dans tous les magasins ; et parmi la foule qui les hantait, on reconnaissait de nombreux Orgeletains mais aussi des étrangers au canton ». L'espoir de gagner rendait euphorique, les commerçants vendaient du rêve et le coeur de chacun se déchaînait en crise de tachycardie quand un enfant tirait du sac les numéros gagnants.

Bien sûr, c'est le premier prix que chacun souhaitait, l'auto mise en jeu deux années consécutives et les deux gagnants : MM. Poly et Guyot sont restés aussi connus et enviés que le coiffeur de Tarascon qui avait gagné le gros lot de la première loterie nationale... et aussi Renée Farinetti propriétaire d'une auto d'occasion en bon état, au tirage du loto.

Les présidents se succédèrent : Georges David, Louis Janod ; la quinzaine enthousiasmait toujours les Orgeletains d'autant plus que le bureau de l'UCO cherchait toujours à faire mieux. Ainsi fut abandonné le lot mirobolant au profit de multiples bons d'achat tirés chaque jour. Et chaque soir une foule imposante assistait au tirage des billets donnant droit à un bon de 200 francs, deux de 100 francs, quatre de 50 francs, dix de 20 francs.

Toujours faire mieux ! Alors il fut créé un concours de dessins de Noël pour les écoliers de 4 à 11 ans. Un jury établissait un classement par catégories, et à la séance loto et tirage de la loterie ; on vit un âne que chevauchait le Père Noël portere deux sacoches de récompenses, un âne plus têtu qu'un âne habituel, qu'il fallut porter sur l'estrade car la tête qu'il hochait de gauche à droite indiquait clairement qu'il ne voulait pas escalader les quelques marches d'escalier.

Et puis, l'UCO a testé le bon sens des Orgeletains en demandant à ses adhérents de placer dans leur vitrine, un objet insolite qu'il fallait découvrir ; testées aussi les connaissances de chacun sur Orgelet et le département par des interrogations. Les réponses exactes étaient immédiatement récompensées par des prix offerts par les commerçants.

Oh ! oui, pendant la quinzaine Orgelet oubliait le froid ; il y avait une animation à faire rêver aujour-d'hui, de la joie, de l'espoir et tout cela sous la lueur des guirlandes, l'embrasement du clocher, la musique et la publicité distillées par les haut-parleurs.

André JEANNIN
Article publié dans Le Progrès le 18 décembre 1994