Rue de la RépubliqueSi certaines rues ont conservé le nom donné au Moyen Age, d'autres l'ont perdu à des dates bien précises, parfois anciennes, parfois très récentes. Ainsi celle qui prolonge la Grand'Rue et grimpe vers la mairie s'appelait jadis « rue de la Fontaine » tout simplement parce qu'à son début se trouvait la seule fontaine qui, au Moyen Age, alimentait la ville en eau potable venue de Plaisia. Après la Révolution de 1789, la monarchie rétablie, elle devint « rue Royale », puis après la chute de la Royauté elle prit le nom de rue de la République, qui lui reste aujourd'hui. Mais alors en 1930, la petite place qui la terminait se nommait encore place Saint-Louis. Il fallut attendre les lendemains de la dernière guerre mondiale pour que disparaisse cet anachronisme et que « place des Déportés du 15 avril et du 11 juillet 1944 » efface par des événements tragiques le règne de justice de Louis IX.

Place Saint-LouisC'est probablement dans cette partie de la ville que se trouvent les plus belles maisons dont la plupart communiquent par des vestibules dallés, de grands escaliers de pierre et des petites cours intérieures avec le Bourg de Merlia. Ces demeures où résidait une bourgeoisie aisée, juxtaposèrent quelques années plus tard des commerces des artisans des professions libérales solidement ancrés et d'autres plutôt éphémères. Prolongeant la place des Déportés, la rue du Commerce a conservé son nom, mais pas le nombre important de ses boutiques du début du XXe siècle. Elle conflue avec une traditionnelle rue de l'Eglise amputée de sa pharmacie, une rue du Puits disparu et baptisée rue de l'Ancien Collège, une place Marnix et elle se termine sur des remparts et une porte de la ville qui au Moyen Age plaçait hors du bourg le Faubourg avec sa promenade de l'Orme. En la traversant quelques marches d'escalier permettent d'atteindre la rue de Vallière - un lieu-dit - et d'arriver place des Petits-Arbres et place de la Gare, une gare qui n'existe plus qu'en cartes postales, donc débaptisée comme celle qui la précède en place du Colonel Varroz et avenue Lacuzon, des héros de l'indépendance franc-comtoise.

Hommage à Cadet Roussel

Place du bourg de MerliaLe tour de la vieille ville se terminera quand, ayant franchi une de ses anciennes portes, dont il ne reste que la voûte et l'emplacement de la herse on pénétrera au Bourg de Merlia, une place rectangulaire, célèbre jadis par une sorte de mare « le Gaviot » qui occupait son milieu et qui servait à abreuver le bétail ou à tremper le chanvre, célèbre plus tard par la construction de la Grenette espèce de hall aux grains, transformé et utilisé de nos jours comme salle des fêtes, tandis que l'hôtel du Cheval-Blanc le plus grand restaurant orgeletain des années 30 a disparu, incendié par les Allemands en 1944. Il fallait bien aussi rendre hommage à Cadet Roussel la coqueluche orgeletaine. Qu'à cela ne tienne, la « route de Lons » porte désormais son nom prolongé parallèlement par une de l'Industrie active.

Rue de l'industrieEt puis Orgelet au XXe siècle a franchi de partout sa ligne de remparts. De nouveaux quartiers et de nouvelles artères sont nés baptisés selon les modes du moment. On s'est contenté parfois des noms de lieux-dits : Vallière (une plaine marécageuse), Confise, Prés-Millats, Molard à Goujon ; plus originaux les noms des rues du Tir-à-l'Arc, des Buts et de l'Oiseau dans le même quartier qui évoquent la chevalerie de l'Arquebuse et ses concours de tir traditionnels sur un oiseau de fer ou de bois planté sur un piquet. Et voilà une courte évocation des écrivains francs-comtois renommés : Marcel Aimé (La Vouivre), Louis Pergaud (La guerre des boutons) et même Lamartine mais pas à cause de ses Méditations poétiques mais parce qu'une de ses aïeules était d'origine orgeletaine. On n'a pas oublié les savants : Pasteur bien sûr, mais moins connu Marie-Candide Buffet, de la localité, « inventeur de l'accordéon » dit le panneau, en fait il n'a apporté que quelques modifications à cet instrument de musique et si peu connu dans sa ville natale qu'une faute dans une précision donnée sur ce panneau le présente comme s'il était du sexe féminin...

N'oublions pas une avenue Charles-de-Gaulle - il y en a partout - une rue du 19-Mars-1962, fin de la guerre d'Algérie - on en inaugurait dans tous les chefs-lieux de canton à une certaine époque ; une rue du Noyer-Daru qui fait rêver de fantômes et qui n'est que le nom du propriétaire de cet arbre. Enfin, dans le plus récent quartier, derrière le chemin des Moulins, le lotissement a déjà baptisé deux de ses artères principales : Claude-Pidoux (1808-89) membre de l'académie de médecine et Athanase Babey (1743-1814) Conventionnel.

Et puis, pour se divertir, chercher la rue des Perieres, la rue Traversière appelée jadis Sainte-Catherine et le chemin de la Potière, le chemin du Quart.

ANDRÉ JEANNIN
Article paru dans le Progrès, le 10 mars 2001