NOTRE CLOCHER ET SES MALHEURS

Notre église vient de recevoir d'importantes réparations, surtout à son clocher. Elles ont coûté fort cher, mais grâce à la sollicitude de notre conseil municipal pour le plus beau monument de la ville, grâce aux importantes subventions de l'Etat et du département, voilà notre imposante tour d'église repartie pour défier quelques siècles encore. Comme il prenait un petit air penché, on en a consolidé les murs, bouché les crevasses, rejointoyé les pierres. La crevasse a été refaite, sa galerie élégamment remplacée en chêne, son dôme recouvert de jolies tuiles.

Nous pouvons être fiers de notre clocher, non seulement le plus beau d'alentour, car quelle pauvre figure font à côté de lui, ceux d'Arinthod, de Moirans, de Clairvaux, des Cordeliers, et de Saint-Désiré, celui même de la cathédrale à St-Claude, mais encore un des plus beaux de toute la Franche-Comté. Voyez à Besançon, en trouvez-vous un seul qui approche du nôtre ? Je ne vois guère que les clochers d'Arbois et de Dôle qui surpassent le nôtre.

Il ne manque plus, pour le couronner, qu'un beau coq, pour remplacer celui qui a été renversé par le vent il y a quelques années et que vous avez vu, un beau matin, accroché par le bec, aux fils électriques devant le portail de l'église. On est en train d'en marteler pour nous, un beau, en cuivre, dans un atelier de Port-Lesney, près de Mouchard. Quand il sera terminé, l'ouvrier qui le posera, grimpera sur le petit échafaudage qui y est déjà, placera son coq, lui fera faire quelques pirouettes pour voir s'il saura bien marquer d'où vient le vent. Il chantera là-haut une petite chanson, comme autrefois les ramoneurs, quand ils arrivaient au sommet de la cheminée, et quand il sera redescendu, il méritera bien, n'est-ce pas, qu'on lui fasse boire un bon coup.

Ces réparations, notre vieux clocher, il en avait bien besoin. Savez-vous depuis combien de temps il les attendait ? Depuis deux siècles et demi. Oui, exactement depuis 254 ans. A peine achevé, il avait eu des malheurs, et dont les traces étaient graves. Voyez-vous les deux fenêtres jumelles, qui éclairent, sur chaque face, le dernier étage. Une cloison de pierre les sépare, cloison qu'on appelle un meneau. Eh bien ces quatre meneaux, ils s'en allaient en morceaux par suite d'un incendie et l'on voyait nettement sur la face intérieure des pierres, comme on voit encore sur quelques moellons au-dedans du clocher, qu'ils avaient été rongés par le feu. Et cela datait de 1674 ! A ce moment, nous étions encore espagnols et bien rares sont les habitants actuels d'Orgelet dont les familles habitaient déjà à ce moment notre ville. J'y vois alors des Clerc, des Puynel, des Papillon, des Peuget, des Thorembey, quelques autres peut-être encore. Et leurs ancêtres ont vu à cette époque, du 31 mars au 2 avril 1674. la plus terrible tourmente qui se soit jamais abattue sur notre ville et au cours de laquelle l'incendie dévora le clocher. Cette tourmente, je la raconterai dans le prochain bulletin.

Qu'on me permette, en ma qualité de simple paroissien, de remercier Monsieur le curé de voir ressusciter notre Echo Paroissial. Grâce à lui, Orgelet a maintenant son journal.

L'Abbé CLÉMENT.
Article paru la l'Écho Paroissial d'Orgelet de décmbre 1928