Quand l'opinion des électeurs changeait selon l'humeur des gouvernements
Le département du Jura - et principalement la population villageoise - est resté longtemps conservateur et n'est devenu républicain que tard dans le XIXe siècle.
Ainsi dans le canton d'Orgelet, la seconde République de 1848 a été accueillie avec réserve, voire méfiance bien que le maire d'Orgelet signale que le peuple est parfaitement disposé à faire acte de soumission au nouveau gouvernement et il continue son travail comme avant...
Comment expliquer alors que pour l'élection du Président de la République le 10 septembre 1848 le canton ait plébiscité Louis-Napoléon Bonaparte représentant les intérêts de la droite et en particulier des royalistes et légitimistes et orléanistes qui obtenait 1826 voix, soit 91% des suffrages exprimés. Le score de ses adversaires était ridicule : le général Cavaignac, républicain 153 voix, Ledru-Rollin républicain modéré : 56 voix, Raspail républicain avancé : 1 voix et Lamartine très peu connu 1 voix.
Rien d'étonnant alors que les habitants du canton soient favorables à l'Empire et souhaitent que le Prince président devienne l'empereur Napoléon III.
Et pourtant le petit village de la Tour-du-Meix pour exemple avait accepté dans l'allégresse la déchéance de Napoléon Ier comme le témoigne ce compte rendu de la délibération du Conseil municipal daté du 24 avril 1814 : "M. le Maire a donné lecture des actes du Sénat prononçant la déchéance de Bonaparte, le conseil a déclaré à l'unanimité qu'il renonçait dès ce moment à toute obéissance envers Bonaparte comme eveners tous ceux de sa famille, qu'il énocnçait comme voeu formel pour que Louis Stanislas Xavier soit appelé au trône sous le nom de Louis XVIII, que le droit d'hérédité soit établirs dans sa dynastie par ordre de progéniture."
Et ce petit village de La Tour-du-Meix a donc applaudi le retour des Bourbons et a organisé une fête le 1er mai 1821 à l'occasion du baptème de Monseigneur de Bordeaux, héritier de la couronne légisimiste. De 5 heures du matin à 23 heures ont duré "des festivités avec tirs de nombreuses boites, chant de Te Deun à l'église de Saint-Christophe, banquet, danses sur la place publique, concours sportifs, vin à loisir prodigué par des tonneaux placés sur la fontaine de la place". Et le maire de terminer son rapport au Préfet en le remerciant au nom de tous ses administrés de "nous avoir autorisé à donner un témoignage aussi public et aussi éclatant de l'ardent amour que nous protons à notre auguste monarque ainsi qu'à toute sa famille".
Quatre mois auparavant, Orgelet avait montré son attachement à la Royauté en célébrant à l'église une messe, le 20 janvier 1821, à la mémoire de Louis XVI guillotiné sous la Révolution le 21 du même mois en 1793... Le texte découvert dans les archives municipales est du maire de l'époque M. Pidoux "Conformément à la loi de 1816, il sera célébré à la paroisse de cette ville un service expiratoire à la mémoire de la mort du malheureux Louis XVI roi de France. Monsieur le Préfet nous ayant ordonné de surveiller à ce que, pendant le service, les habitants ne se livrent à aucun travail extérieur et aussi à ce que tous les marchés et les foires qui se trouveraient ce même jour 20 janvier soient remis au lendemain. Le maire prévient ses administrés qu'il est expressément défendu de se Iivrer à des travaux extérieurs pendant le service, jour entièrement consacré au deuil général, que le marchéqui se tient ordinairement le même jour est remis au lundi 22 et qu'il ne sera permis à personne d'enfreindre l'ordre de Mr le Préfet."
Le maire espère qu'il n'aura que des éloges à donner sur la conduite de ses administrés. Rien ne précise si les souhaits du maire ont été exaucés, et si les Orgelétains se sont tenus cois pendant que résonnaient sous les voutes les requiems.
Le maire espère qu'il n'aura que des éloges à donner sur la conduite de ses administrés. Rien ne précise si les souhaits du maire ont été exaucés, et si les Orgelétains se sont tenus cois pendant que résonnaient sous les voutes les requiems.
André Jeannin
Paru dans le Progrès, le 18 février 2001