Quand les prévisions météorologiques étaient empiriques
A l'aube du troisième millénaire, les informations météorologiques données plusieurs fois par jour à la télévision renseignent sur le temps qu'il va faire dans la journée et prévoit même celui de la semaine. Inutile donc de découvrir par soi-même si les jours qui viennent seront ensoleillés ou pluvieux.
Il n'y a pas si longtemps, seuls les girouettes et les baromètres étaient consultés pour prévoir le temps. Les premières d'ailleurs, existaient depuis des siècles et les seigneurs ou les nobles les interrogeaient pour savoir par exemple si la fête organisée dans le parc du château ou la chasse à courre ne risquait pas d'être perturbée par les intempéries. D'ailleurs, avant la Révolution le droit à la girouette était un privilège et seuls les châteaux, les vieux manoirs, les abbayes avaient le droit d'en arborer sur leurs toits. Cela leur a coûté fort cher d'ailleurs pendant la Grande peur de 1789 : pillages, incendies se sont succédé, motivés par des imprimés mensongers affirmant « qu'il est permis pendant trois mois de brûler tous les bâtiments portant girouette ». Apeuré, le duc de Chartres demandera dans la nuit du 4 août 1789, l'abandon de ce privilège.
Alors, fleurirent par réaction, sur de nombreux toits les girouettes simples instruments de fer blanc, en forme de flèche ou de rectangle portant parfois les armoiries des villes qui se transformeront en objets d'art très esthétiques, figurant des tableaux campagnards, des artisans au travail, des scènes de chasse. Bien sûr, on les admirait, mais on les regardait souvent pour savoir d'où venait le vent et si elles confirmaient la direction de l'air qu'indiquait le coq du clocher qui là-haut tournait et grinçait sur son axe. Et puis, progressivement la girouette s'est « cantonalisée » n'évoquant plus des points cardinaux mais des directions plus précises ; ainsi à Orgelet, on parlait de la bise d'Alièze, de la « traverse » du vent de Senay signe de pluie.
Avec les girouettes, l'instrument le plus consulté était le baromètre dont on avait appris à l'école, non sans mal, le fonctionnement. On savait que lorsque l'aiguille quittait sa position centrale pour s'échapper vers la droite, il allait pleuvoir parce que la pression atmosphérique baissait et que si elle s'élançait vers la gauche, c'était le beau temps assuré. C'était aussi évident que le postulat d'Euclide. On évoquait bien des hautes ou basses pressions mais on n'osait pas trop s'aventurer dans les anticyclones et les cyclones. D'ailleurs, quand le baromètre baissait les marches d'escalier s'humidifiaient et confortaient les prévisions de pluie...
Et puis pour remplacer cet instrument rébarbatif apparurent les « baromètres jouets » assez originaux. Ainsi d'une maisonnette sortait un personnage qui brandissait soit un parapluie, soit une ombrelle : la pluie ou le soleil étaient ainsi annoncés. Parfois, une rivière ou le ciel, d'un paysage se teintait de l'azur du beau temps ou du gris des jours pluvieux ou du violet de l'incertitude. La population orgeletaine dans les années 30 se nourrissait des écrits relatifs aux variations atmosphériques du « Dieu soit béni » ou du Petit Pèlerin... Grâce à eux et aux observations empiriques, naissaient des météorologues amateurs qui « sentaient » la neige ou l'orage - alors que le ciel était sans nuage - ou la pluie prochaine parce qu'on voyait trop distinctement les buissons sur les promontoires jurassiens.
A Orgelet, vit encore une sympathique vieille dame météorologue: Mme Uny qui pourrait écrire un roman sur « la bise noire » ou le vent mauvais et vous énumérer pendant des heures des dictons populaires. Ainsi, elle affirme « que le vent sur la rosée blanche amène de l'eau sur la planche » que « rougeurs du matin font tourner le moulin et que rougeurs du soir font sécher les toits ». Elle a constaté que « février pluvieux et mars poussiéreux rendent le bouvier heureux que « pluie de février vaut jus de fumier et que pluie de mars n'est que pisse de renard ». Alors riche en connaissances météorologiques empiriques, la brave dame n'est pas avare de conseils pour le jardinage. Elle croit aux pouvoirs bénéfiques et maléfiques de la lune et dit-elle il faut planter les fleurs en lune tendre et tous les légumes du jardin en lune dure... et elle donne des preuves.
Alors ? Faut-il croire les prévisions météorologiques scientifiques de Alain Gillot-Pétré ou celles, empiriques de la vieille dame orgeletaine ? Hésitations !
ANDRÉ JEANNIN
Article paru dans "Le Progrès"