L'hôtel de La Valouse n'était pas seulement le rendez-vous des gastronomes des artistes et des personnalités ; il accueillait de nombreux dirigeants et adhérents des diverses associations orgeletaines parce que Raymonde, native de la localité, connaissait tout le monde et parce que son époux « l'Albert » multiplia très vite ses activités et ses responsabilités au sein des sociétés.
Ainsi les footballeurs de l'excellente équipe promotionnaire d'après-guerre, qui se retrouvaient déjà tous les samedis soir à l'hôtel de Paris quand le couple Collomb en était le gérant, pour disputer avec l'arbitre de la rencontre du lendemain Jules Verne des parties de tarot avant de déguster les « amourettes » apportées par le joueur-boucher Chariot, fréquentèrent bien sûr l'hôtel de La Valouse. On les retrouvait à l'apéritif du dimanche, disputant « une guinche » ou « une vache » où les après-midi dominicaux de pluie pour des parties de tarot où la moindre erreur était proscrite. L'entente Valouse-USO était si parfaite que le banquet d'inauguration vit les joueurs garnir les tables de bouteilles de bon vin obtenues aux tournois de sixte... et l'Albert inviter quinze jours dans son établissement l'entraîneur sochalien Monanges qui peaufina la technique des footballeurs orgeletains.
Grenoblois d'origine, le propriétaire de l'hôtel de La Valouse est un bouliste de qualité. Dès son arrivée à Orgelet avec son ami de l'Isère Karl et de bons joueurs locaux tels Albin Farinetti et Hubert Girod, sa quadrette brille dans les concours de la région. L'hôtel construit, on joue aux boules dans les allées du Parc et puis dans le mini-boulodrome construit au front du bâtiment. Jeux difficiles où s'entraînent régulièrement sous la présidence d'Albert Collomb, la quadrette orgeletaine, Jeannin, Pochard, Peruchon, Mouret qui, pour la première fois depuis l'existence du club, deviendra championne départementale honneur et représentera le Jura au championnat de France à La Baule.
Ces deux jeux de boules attireront en vacances à l'hôtel de passionnés champions de « l'intégrale » qui disputeront des parties héroïques avec les meilleurs Iocaux. Ne vit-on pas même un Lyonnais gagnant d'un concours du Progrès, donc de quinze jours de vacances à l'hôtel, délaisser les baignades au pont de la Pyle, pour jouer aux boules ! et son épouse était une fervente supporter.
Les salles au sous-sol étaient meublées de tables de ping-pong et d'un billard. Sur le tapis vert de ce dernier, les billes téléguidées par des champions émérites qui réalisaient des séries impressionnantes faisaient bailler les néophytes d'admiration par leurs rétros, les effets pris sur les bandes, leur placement pour réaliser facilement un nouveau point. Sur les tables de ping-pong, la balle endiablée giclait comme une fusée, amorçait des bonds capricieux, changeait inopinément de direction et les textes des spectateurs tournaient au rythme de la balle. Les tournois organisés créaient l'événement.
C'est aussi à l'hôtel de La Valouse que sont réunis pour la prémière fois de sa création les adhérents à l'U.C.O. qui venaient d'organiser la première quinzaine commerciale qui avait relancé le commerce et l'artisanat locaux, fait cesser les jalousies, satisfait la clientèle car les lots étaient d'importance - une Citroën en premier prix - et la fête à l'occasion du tirage avait été somptueuse.
Enfin les chasseurs du canton, qui n'étaient pas encore organisés en A.C.C.A., avaient rendez-vous pour les battues devant l'hôtel de la Valouse. C'était un spectacle intéressant et étonnant, ces hommes tant bardés de cuirs imperméables, fusil à l'épaule, tenant en laisse leur chien providentiel, qui s'apprêtaient à aller traquer le chevreuil ou le sanglier et qui la fin d'après-midi, se retrouveraient à la salle du café pour fêter la réussite de la battue et quelques jours plus tard pour la traditionnelle ripaille « des foies ».
André Jeannin
Article paru dans "Le progrès" du 22/11/1998