Le couvent des Bernardines

Au premier plan, le couvent des Bernardines et les bâtiments modernes du collège d'OrgeletL'ancien couvent des Bernardines qui, depuis deux siècles, est un des pôles de l'enseignement orgeletain est devenu un des joyaux des bâtiments de la localité depuis que les écoles maternelle et primaire occupent un groupe neuf esthétique lui aussi et que le collège, toujours installé dans le monastère a été restructuré.

Et, il s'avère difficile pour tous ceux qui l'ont fréquenté les quarante premières années du siècle de le reconnaître. Il a suffi de vitrer des ouvertures, abattre une cloison, obturer une porte, dégager des recoins mystérieux, pour donner une autre apparence à l'école-cloître. Le culte de l'esthétique et du fonctionnel a égratigné la poésie du souvenir...

Entrée du couvent des Bernardines à OrgeletAlors nous voilà en 1930... Aucune différence avec l'époque actuelle : ampleur des bâtiments qui occupent la moitié de la grande rue et austérité de cet ensemble aux fenêtres étroites, classique pour un couvent... On pénètre à l'intérieur par trois portes différentes selon les écoles fréquentées... La dernière, monumentale, au-dessus de laquelle, gravée dans la pierre, se devine l'inscription D. Pano Bernardo, s'ouvre sur un corridor très étroit muni de bancs en pierre qui bute sur un mur percé à droite d'une espèce de meurtrière, à gauche d'une ouverture genre guichet.

On débouche alors dans une cour intérieure, froide, encadrée par les hauts murs des bâtiments. Sur deux côtés court une galerie en arcade, percée de nombreuses fenêtres rectangulaires sans vitre, si bien que le vent qui s'y engouffre peut « corner novembre » à loisir. Près de l'entrée, des piliers supportent un tablier en pierre sur lequel s'appuie un large balcon accessible depuis le logement du premier étage. Au milieu de la cour pavée, penchent des caniveaux et s'enfonce un puits recouvert d'une large pierre. A l'extrémité de la galerie, une lourde porte conduit dans les cours en terrasse et celle « du bas » se casse sur une tour circulaire, percée de meurtrières, vestiges des anciens remparts, qui sert d'atelier et de bûcher.Le couvent des Bernardines à Orgelet

Par un escalier étroit, tortueux et obscur, on débouche dans deux petites salles voûtées dont l'une, garnie de grands placards vitrés abritant les produits chimiques pour les expériences des appareils de physique étranges et des oiseaux et autres animaux empaillés joue le rôle de « laboratoire ». Ces salles traversées, on arrive de nouveau dans la galerie où des escaliers, étroits ou très amples nous offrent des visites aux étages où se trouvent des classes et des dortoirs, ou des plongées dans des caves voûtées très vastes et très obscures car la lumière est distribuée parcimonieusement par des lucarnes avec barreaux métalliques juste au niveau des cours.

Façade de la chapelle du couvent des Bernardines d'OrgeletTrès souvent en arpentant les longs couloirs ténébreux, on découvre des niches désertées par les statues, des bénitiers arides et on aboutit à la « chapelle » vaste salle dallée, percée de très hautes ouvertures ou de grands piliers supportent une voûte délabrée. Tout au fond trône l'autel de marbre. L'air semble encore plein des odeurs amères de l'encens et l'envie prend de pousser la lourde porte toute sculptée qui s'ouvre sur un étroit parvis juché tout en haut de deux rampes d'escalier. Sa voûte repose sur deux colonnes doriques tandis qu'au tympan de la porte un sacré coeur est sculpté dans la pierre. Etrange bâtiment, marqué semble-t-il par le voeu des Bernardines de fuir la promiscuité des hommes...

Pendant très longtemps, les classes de filles étaient séparées de celles des garçons par des murs forteresse qui obstruaient les couloirs, fermaient les cours et les jardins. Et les premiers élèves - 7 garçons - du premier cours complémentaire créé en 1885 n'avaient droit pour étudier qu'à une salle-cellule qui changea d'aile mais ne s'améliora pas, bien au contraire, quand les filles en 1932 eurent l'autorisation de fréquenter le cours complémentaire, avec les garçons.

André JEANNIN
Article paru dans Le Progrès le 9 avril 1995