Fêtes pascales d'autrefois

« Noël au balcon, Pâques aux tisons ». Cette constatation de lointains ancêtres est devenue un adage qui se complète par le conseil sensé « En avril, ne quitte pas un fil ».

Ainsi on prétendait que la semaine pascale était souvent désastreuse au point de vue météorlogique... Mais ce n'est pas le seul souvenir des fêtes pascales d'il y a 50 ans... Les enfants de cette époque parlent encore des vacances de Pâques qui correspondaient toujours —ce n'est plus le cas — avec la fête religieuse, du dimanche des Rameaux et de la cueillette des buis non fleuris — ils sentent trop fort — qui seraient bénis et dont quelques branches placées à la tête des lits, supportées par un petit crucifix seraient vénérées et considérées le porte-bonheur de Dieu, comme le gui était celui des druides dans la religion gauloise... On se souvient aussi de ces rameaux brandis par les très jeunes enfants, aux pendantifs en gâteaux et bonbons qu'ils ont dévorés des yeux pendant la messe, une messe qui n'en finissait pas et au cours de laquelle les fidèles ont sursauté quand trois violents coups contre la porte d'entrée se répercutaient comme le tonnerre, dans la nef.

Les Rameaux passés, débutait la semaine pascale avec pour les catholiques les impitoyables contraintes du Carème avec ses repas « maigres » en particulier celui du Vendredi saint et pour les pratiquants le soulagement des consciences en avouant leurs fautes au prêtre par la petite lucarne grillée du confessionnal le court ostracisme dans une chapelle pour la pénitence et la communion à jeun le lendemain. Quelques impies ou « mangeurs de curé » profitaient du Vendredi saint pour obstensiblement se gaver de saucisses pur porc et de tranches de lard gras. Les mécréants étaient cloués au pilori de la réprobation par les dames bien pensantes.

Pendant la semaine pascale, les cloches sont aphones. Ce silence inhabituel intriguait les enfants et on l'expliquait par leur absence passagère due à un voyage à Rome... Et ils attendaient leur retour scrutant le ciel pour apercevoir l'arrivée de l'escadrille... Mais ces cloches au départ, en survolant les jardins y avaient semé des oeufs en chocolat ou des oeufs naturels cuits dur, à la coquille bariolée de multiples couleurs, que les gamins tout joyeux s'efforçaient de découvrir. Cette tradition s'est quelque peu perdue aujourd'hui, il est vrai que de nombreux magasins de la ville proposent d'énormes œufs, des poules et des poissons géants en chocolat, alors la chasse aux « trésors » est inutile.

Présentation du boeuf de Pâques à OrgeletC'est aussi pendant la semaine pascale, autrefois que les bouchers promenaient dans les rues de la ville le robuste charolais au corps entouré de rubans multicolores, aux cornes décorées de pompons. L'animal sera sacrifié et sa viande, tendre comme de la rosée, étaient appréciée des nombreux convives qui se réunissaient à l'occasion de cette fête autour de la table familiale. Enfin quelle que soit la température, Pâques marquait la fin des pardessus et des manteaux accrochés dans les placards jusqu'à la Toussaint et l'apparition des robes colorées et légères, des minces corsages et des jupes printanières, des costumes neufs aux teintes claires... Ainsi « endimanchés », on ne manquait pas le bal de Pâques qui était celui qui drainait à la Grenette un chiffre record de danseurs... L'ambiance était sensationnelle, tant pis si quelquefois Pâques avait été célébré avant les Rameaux.

André Jeannin
Article paru dans Le Progrès le 10 avril 1994