Rues de l'ancien collège et de la glacière : un quartier de jeu pour les enfants
Il existe à Orgelet comme dans toutes les cités de cette importance des rues quasi ignorées qui ne figurent jamais sur une carte postale et qui pourtant ont une histoire. C'est le cas de cette rue de l'Ancien Collège, qui se prolonge par celle de la Glacière rejoignant le chemin qui conduit au château, entre les jardins en terrasse presque tous abandonnés maintenant...
Cette rue de l'Ancien-Collège s'était appelée autrefois rue du Puits, car près de sa jonction avec la rue du Commerce, il existait une citerne recouverte d'une dalle, comblée après la guerre. La rue de la Glacière qui la continue a été baptisée ainsi, parce que la ville aux environs de 1700 avait établi à droite, en montant une espèce de cave obscure aux murs épais où l'on conservait de la glace unique et fort problématique moyen de se protéger des épidémies (on trouve dans les comptes d'autrefois de la ville de fréquentes dépenses pour réparer et remplir la glacière).
Bien avant, à l'époque féodale, cette rue était coupée en son milieu par le rempart qui descendait du château et qui était percé par la porte de la Combe. C'est celle que forcèrent les soldats francs-comtois le 31 mars 1674, quand ils vinrent attaquer les Français qui avaient pris la ville (le spectacle récent « Si Orgelet m'était comté » a évoqué cet événement). Dans la rue du Collège, à l'angle avec la Place au Vin, s'érige un énorme bâtiment avant la Révolution il était utilisé comme collège et comme maison de la ville, c'est-à-dire la mairie.
Ce quartier à l'écart des autres voyait ses habitants former une vaste famille. La récolte des framboises, des mûres et des noisettes, la recherche des champignons étaient une expédition à laquelle participaient tous les résidents. Quartier à l'écart, il avait été choisi que les enfants avant-guerre pour aire de jeu ; terrain de football où, se disputaient des matches fous avec pour ballon une boîte de conserve ; à côté, l'hiver, la pente du château devenait une piste à traineaux et sur leurs bolides les gosses du quartier dévallaient la côte à des vitesses folles.
Quant il pleuvait, les refuges ne manquaient pas ; d'abord les caves Girod avec leurs multiples pièges, d'abord les anciens fûts énormes, belles cachettes mais dangereuses geôles quand un adulte venait condamner la sortie ; et puis les fils dénudés qui communiquaient l'électricité à une barricade métallique sur laquelle étaient projetées les filles qui s'aventuraient là. Et mieux, il y avait au-dessus des caves, les grands « fenaux » garnis de foin dans lequel on plongeait du haut des poutres de la charpente, accueillis par les coups de fouet d'un cerbère en jupons.
André Jeannin
Article paru dans Le Progrès le 17 novembre 1993