Rue de la fontaine rebaptisée rue de la République
Peu d'Orgeletains se souviennent que la rue de la République s'appellait autrefois la rue de la Fontaine, parce qu'elle se terminait sur une des principales fontaines de la ville... C'est probablement après la Révolution de février 1848 qui proclama la seconde République qu'on la rebaptisa. Cette artère locale débute par la place des Déportés, en mémoire des rafles d'avril et de juillet 1944... Ancienne place Saint-Louis, elle rappelait l'époque féodale.
La rue de la République, contrairement à d'autres quartiers orgeletains, n'est pas riche en événements historiques. On se souviendra cependant que les maisons qui la bordaient furent entièrement détruites au cours de l'incendie de novembre 1752 qui ravagea la ville. Quand il s'agira de la reconstruire, le plan de 1753 prévoira qu'elle « doit être régularisée et creusée en face de l'Hôtel de ville pour en atténuer la pente ». Ainsi toutes les maisons datent de cette moitié du XVllle siècle et si depuis, les façades ont été maintes et maintes fois restaurées et transformées, on peut encore admirer de la période de reconstruction des portes monumentales, une haute grille en fer forgé, des balconnets ceints de barrière accrochés à la façade et-même une superbe fenêtre à meneau, seul vestige de ce genre à Orgelet...
Autre événement historique : dans la chapelle de la Confrérie de la Croix qui se situait à droite en descendant la rue, s'est réunie le 15 mars 1789, l'Assemblée des électeurs d'Orgelet chargée de rédiger les cahiers de doléances et de délibérer sur le choix des députés. Enfin révélation récente : la maison natale de Cadet-Roussel qu'on avait jusqu'alors située à la Tisserie se trouverait en bas de la rue de la République. Au début du siècle et jusqu'en 1910, date de sa transplantation au pré Catelin, la première poste orgeletaine occupait l'angle de la boulangerie Jousaud.
Du début du siècle et jusqu'en 1950, cette rue était un des premiers axes commerciaux de la ville. On y trouvait deux boucheries, trois boulangeries, deux épiceries, une coordonnerie, un salon de coiffure, un marchand de légumes, un café où se réunissaient chaque jour pour des tarots homériques quelques notables et retraités qui évoquaient la fameuse partie de belote du film célèbre de Pagnol.
Et puis s'était installée dans une vaste demeure, une fabrique de pommade contre la chute des cheveux. la fameuse pommade « Philocome » qui disait-on avec humour faisait pousser des cheveux sur des boules de cuivre des rampes d'escalier. Cette rue de la République quand florissaient les commerces était très fréquentée mais aussi parce qu'elle était empruntée par tous les jeunes écoliers quand la « primaire » et la « maternelle » se trouvaient dans le bâtiment des Bernardines pour la raison bien simple qu'ils tenaient à faire halte chez la Charlotte ou chez l'Alice. Ils mettaient un temps infini à se décider à choisir la friandise dans ces musées de bonbons. La rue de la République, c'est aussi une sensation olfactive : l'arôme du lard chaud, de la chair à saucisse, des épices, des fâmeuses boulettes hebdomadaires du charcutier Gauthier que s'arrachaient les Orgeletains.
Aujourd'hui la rue de la République a perdu la plupart de ses magasins ; elle n'est plus qu'un axe de circulation rapide, en sens unique pour les automobilistes qui quittent Orgelet ou vont dans les quartiers périphériques.
André Jeannin
Article paru dans Le Progrès le 19 avril 1992