Les tanneries, un passé économique prestigieux

Les tanneries d'OrgeletAu bas de la ville, les quelques bâtisses souvent restaurées des « Tanneries » sont les reliques précieuses d'un passé économique prestigieux, quand le travail du cuir était l'activité principale d'Orgelet. Cette activité a pris naissance au Moyen Age - les parchemins d'époque le confirment - dans ce vallon où coule le ruisseau de Gevin dont un adage disait que « l'eau valait de l'or ».

De nombreux documents datés de 1614, 1794, 1811, 1820 attestent l'expansion et l'évolution de la tannerie au cours des siècles. Intéressant par exemple cet exposé de 1815 qui précise « qu'il existe 42 foyers de tanneurs qui fabriquent annuellement 1200 cuirs de veaux, 800 de moutons, 600 de boeufs, vaches, chevaux.... et que le salaire du tanneur varie de 0,50 F à 2 francs par jour».

L'apogée de le tannerie est atteint entre les deux guerresCorroirie Gerdil, Place du bourg de Merlia, à Orgelet. Cent ouvriers au moins y travaillent et les patrons tanneurs étaient nombreux : Gerdil, Peuget, Ligier, Ragut, Gros, Grand-Clement, Parnet. Malheureusement l'eau en Gevin n'était plus assez abondante, si bien que certains d'entre eux durent quitter le pays... et l'une après l'autre les tanneries orgeletaines fermeront leurs portes. D'ailleurs, le cuir français était concurrencé par le cuir américain et le plastique. Seule la tannerie Gerdil vivotera après guerre mais ne supportera pas en 1953 la faillite de la banque Prost.

Les opérations de tannage comprennent d'abord le travail au ruisseau : trempe, puis écraminage (enlèvement des crottes et du sang coagulé), l'épilage à l'aide d'une curse, enfin l'écharnage au moyen du couteau droit. Commence ensuite le tannage avec la neutralisation des réactions chimiques de la peau dans une décoction d'écorces de chêne ; suivaient alors le couchage en fosses, l'étendage des résidus d'écorce de chêne, le lavage de la fosse et le soufrage.

Les tanneries d'OrgeletCe travail du cuir avait permis dans un périmètre proche l'installation de petits artisanats disparus depuis des décennies : préparation des écorces de chêne et foulage des cuirs à Ecrille (l'eau de la Valouse produisait l'électricité); broiement des écorces sur la plateau des Tans (déformation en nom d'Etang), fabrication de la colle avec les résidus des tanneries à l'Etang des Colles, nombreuses mégisseries, cordonneries, corroieries à Orgelet même.

De nos jours, les anciens tanneurs ont presque tous disparus. Ne survivent de cette époque que les empreintes des fosses (de moins en moins), les ossatures des cuves et des bassins, quelques outils rouillés ou accessoires abimés, le nom des lieux «l'Étang où l'on étendait le tan, le poussec »... et quelques vieux adages qui reviennent parfois, on ne sait pourquoi tel celui qui affirme que pour faire du cuir, il faut « du tan et du temps ».

André Jeannin
Article paru dans Le Progrès le 27 octobre 1991