L'ancien bâtiment de la gendarmerie
Le lundi 24 novembre 1979 en mairie d'Orgelet a eu lieu la vente du bâtiment de l'ancienne gendarmerie, sise à la Grande Rue et que les occupants ont quitté définitivement le 15 décembre 1976 pour s'installer dans les nouveaux locaux, rue de la Confise. Ainsi, la vieille caserne transformée est entrée dans l'histoire... et dans quelque vingt ans, seuls, quelques Orgelétains se souviendront du lieu où était jadis installée la brigade. Alors peut-être est-il temps de la faire revivre au cours de ces deux cents dernières années.
La gendarmerie nationale d'Orgelet fut créé en 1791, sous l'Assemblée constituante et le premier chef commandant la brigade fut François-Guillaume Levrat, ancien responsable de la Garde nationale et dont la fermeté avait fait avorter toute insurection pendant les périodes troubles. On avait donc pris considération en haut lieu des bons services de Levrat à qui l'on attribuait le grade de lieutenant. Il eut sous ses ordres comme le mentionnent les textes de l'époque, le brigadier Claude-Louis Pot et les gendarmes Joseph Florin, François Hoyaux, François Fraichot, Claude Sablon et Guiraud.
Mais il faut équiper, armer et loger les gendarmes. Le district et la municipalité s'efforcent d'y parvenir, non sans peine. Si les gendarmes sont des locataires dispersés en ville, la maison d'arrêt est située derrière l'hôtel de ville et les prisonniers y étaient placés sous la surveillance du concierge. Les gendarmes sont alors au service du Directoire du district (ils portent les ordres aux communes de son ressort) et de la commune (ils veillent dans la localité au maintien de l'ordre).
Il faudra attendre un arrêté du consulat de mars 1803 pour que l'Etat qui possède le couvent des Bernardines, devenu bien national sous la Révolution en donne une partie à la ville pour qu'elle y établisse une école secondaire et en conserve une autre convertie en caserne de gendarmerie. Et c'est par délibération du conseil municipal à la date du 18 août 1851 que la brigade et les logements furent transférés dàns le bâtiment où beaucoup les ont connus, bâtiment qui avait été acheté préalablement à un certain M. Goix. Les fonds nécessaires avaient été procurés par la vente de l'ancien collège situé au bas de la place au Vin.
L'ex-gendarmerie était un vaste bâtiment avec au sous-sol des caves voûtées, des remises à bois, des buanderies et garages, une cellule et une petite cour. Au rez-de-chaussée, se trouvaient les anciens bureaux et deux logements, au premier étage, trois logements que surplombait un grenier gracieux qui laissait apparaître une solide charpente.
Et pendant cent cinquante ans, les gendarmes vont participer à la vie de la localité, parcourant au début les rues et les chemins au trot de leur cheval jusqu'à l'aube de la dernière guerre. On les voyait, côté Grande Rue, brosse en main, soigner et lustrer le poil de leurs montures qui piaffaient d'impatience, attachées par un licol à des anneaux scellés au mur.
Pendant la période 1939-1945, ils durent abandonner les chevaux réquisitionnés pour la bicyclette et on se souvient de ces cyclistes en pélerine noire et en leggings serrées aux mollets qui ne faisaient respecter que très timidement les ordres de Vichy et dont certains pour avoir rallié la Résistance, Desvignes, Decerle, furent déportés ou assassinés.
La guerre terminée, ce fut l'ère de la motorisation et les gendarmes sillonnèrent les routes à moto ou à side-car, puis, en estafettes, avec tout le matériel radio à bord. Et l'écurie, aux fades effluves, devint remise à vélos
André Jeannin
Article paru dans Le Progrès le 5 novembre 1979