Au pont de la Pyle autrefois
Il est bien fini l'été, le terrible été qui avait jeté sur la place du Surchauffant, au Pont de la Pyle, une foule de baigneurs venus chercher un peu de fraîcheur et beaucoup de bronzage. Alors pour évoquer à la fois Ies dernières vacances estivales... et le Pont de la Pyle d'autrefois, il suffit de feuilleter l'album des souvenirs.
La plage de sable fin se trouvait sur la rive gauche immédiatement en aval du petit pont de fer qui enjambait une rivière d'Ain aux eaux fraîches et vertes comme le feuillage des arbres qui la cernaient...
Cette plage modeste était fréquentée presque exclusivement par les Orgeletains et les habitants des villages environnants... surtout des jeunes d'ailleurs, car entre les deux guerres, les gens d'un certain âge ne fréquentaient pas les plages comme ils le font de nos jours... C'est à bicyclette que les garçons se rendaient « au Pont », dévalant comme des fous la route en lacets qui s'étranglait sur la passerelle... Que de frayers, de « bûches » mémorables avant d'atteindre les bords de l'Ain... Là, on se dissimulait derrière les haies pour revêtir une tenue de bain. Tandis que les novices se contentaient de quelques brasses tout près de la rive les nageurs chevronnés rivalisaient d'audace, se jetant à l'eau depuis les plongeoirs ou même depuis les 12 mètres du pont. Personne n'osait s'aventurer en amont au « Gour Paimbeuf » où un tourbillon en profondeur, entraînait inexorablement les imprudents.
Quant aux jeunes filles, qui se contentaient de pénétrer dans l'eau jusqu'au-dessus du mollet, elles étaient peu nombreuses, car à cette époque le bain ne les intéressait guère, la nage encore moins, le bronzage pas du tout, d'autant plus que leur maillot cachait pudiquement le corps contrairement à celui d'aujourd'hui qui le dénude.
Mais le Pont de la Pyle ne signifiant pas seulement rivière, plage, activité nautique, il était sous les grands arbres ou au bord de l'eau le lieu de soupers champêtres, des pique-nique comme on dit aujourd'hui. Pour le 14 Juillet et le 15 Août, tout Orgelet descendait « au Pont » où était organisée une fête au bord de l'eau. On s'y rendait en calèche au début du siècle, puis plus tard en autos encore peu nombreuses, à vélo, et à pied par des raccourcis ; même un car effectuait une navette. La fanfare d'Orgelet participait aux festivités, même un accordéon qui faisait danser après le « repas bombance ». Et c'était trop tard quand le soleil avait depuis longtemps immergé son or dans les eaux de l'Ain que les « noceurs » des soupers champêtres regagnaient leur domicile.
André Jeannin
Article parue dans le Progrès