Sur la ligne Lons-Arinthod, c'était le bon temps du « tacot »

C'est après la guerre de 1939-45 (décret du 9 novembre 1946) que le petit train local, qui faisait la navette entre Lons-le-Saunier et Arinthod, avec arrêt prolongé à Orgelet, a été supprimé.

Objet de curiosité pour le train qui passe devant la poste d'OrgeletEt, à regarder le cliché de cette très vieille carte postale, il est encore des Orgeletains qui se souviennent soudain, avec quelque nostalgie, de l'époque surannée du « tacot ».
Ils le revoient se tortiller sur les rails comme un gros reptile depuis le début de la plaine de la Thoreigne, sifflant de toute sa vapeur, pour demander de ne pas obstruer la voie et pour apaiser l'énervement ou l'inquiétude des impatients. En effet, il ne fallait pas être pressé (mais la surexcitation, la phobie de la vitesse est une maladie moderne) pour choisir comme moyen de transport le petit train.
Encore, qu'on l'avait autorisé à accélérer un peu en traversant la ville où un décret municipal, à ses débuts, l'avait contraint de « progresser à 12 km à l'heure ». N'empêche qu'il mettait deux heures pour effectuer le trajet Lons-Orgelet, au cours duquel, espiègle, il multipliait ses facéties : il expédiait des escarbilles de charbon dans les yeux de ceux qui penchaient la tête par la fenêtre ouverte, il leur mâchurait le visage de suie ; il prenait sa crise d'asthme en grimpant les monts de Revigny », hoquetait, toussait et, après quelques soubresauts, se reposait une demi-heure au beau milieu de la pente ; ou bien il choisissait de faire la pause sous le tunnel pour exhaler ses fumées nocives.

Mais chaque voyageur savait bien que ses plaisanteries n'étaient pas méchantes, ni dangereuses : la preuve, il déraillait rarement (en 1944 cependant, résistant, il s'est couché sur la voie, après Dompierre, pour s'opposer au passage de l'ennemi).
Et puis il était le copain des lycéens de l'époque. Il les attendait quand, maraudeurs, ils grapillaient les raisins dans les vignes qui paraient les monts ou bien il ralentissait pour permettre aux garçons de dérober quelques baisers aux lycéennes surprises... ou complices.

Le progrès et sa vitesse ont condamné le petit tacot au néant et il n'y a plus que les vieilles cartes postales qui l'évoquent car même les rails ont disparu depuis longtemps et les bulldozers des démolisseurs n'ont pas épargné la gare !

Article d'André Jeannin
paru dans "Le Progrès" du 6/10/1991